14 janvier 2014

LPO passe la seconde.


Ça y est, c'est 2014, c'est la rentrée. On change d'année, certains changent de trimestre ou de semestre. Avec de bonnes résolutions ou pas, on repart tous de plus belle.

LPO AUSSI.

Nous sommes plus de 700 sur cette page. Nous ne l'avions pas relevé car nous vous préparions une surprise... Désormais, LPO n'est plus un blog mais un vrai site !

Vous n'avez plus qu'à cliquer ci-dessous pour le découvrir et lire, chaque mois, nos articles, nos interviews et nos décryptages de l'actualité internationale. Toute l'équipe vous remercie pour ce soutien et pour l'intérêt que vous portez à notre projet. Merci à tous et très bonne visite !

Plumesquement.

5 décembre 2013

Afrique du Sud : Nelson Mandela s'éteint à l'âge de 95 ans.


L'ancien président sud-africain Nelson Mandela est décédé, jeudi 5 décembre 2013, à l'âge de 95 ans. Le monde entier salue la mémoire du héros de la lutte contre la politique raciste et ségrégationniste de l'apartheid. Fervent défenseur de l'égalité, Nelson Mandela restera à jamais l'une des figures politiques les plus importantes du XXème siècle. 

Nelson Mandela, président de l'Afrique du Sud de 1994 à 1999. 
En 1944, Nelson Mandela devient un membre du Congrès national africain (ANC) qui lui permet de mener, à partir de 1948, un véritable combat contre la politique raciste du gouvernement sud-africain. Ses actions sont d'abord non violentes, puis il créé une branche militaire, appelée « Umkhonto we Sizwe ». Peu apprécié par les autorités, son combat lui vaut plusieurs confrontations avec la justice. Il est condamné à cinq années de travaux forcés en 1962 et, un an plus tard, à la prison à perpétuité pour « trahison ». Cette incarcération contribue à faire de Nelson Mandela un véritable symbole de la lutte contre la ségrégation raciale. Il est finalement libéré vingt-six années plus tard, par le président Frederik de Klerk et élu président de l'ANC. Les deux hommes œuvrent alors ensemble pour l'égalité raciale en Afrique du Sud. Ils reçoivent le prix Nobel de la paix en 1993, symbole d'une reconnaissance internationale. En 1994, Nelson Mandela est élu président de la République sud-africaine. Il rêve de construire une « nation arc-en-ciel », destinée à refonder la société sud-africaine afin de tourner la page de l'apartheid. Icône sans égal en Afrique du Sud, la mémoire de l'ancien président et prix Nobel de la paix est désormais saluée par les démocraties du monde entier. Lors de sa tournée africaine, en juin dernier, le président américain Barack Obama qualifiait Nelson Mandela, alors hospitalisé, de « source d'inspiration pour le monde »

Le monde entier lui rend hommage. 

Jacob Zuma, le chef d'Etat sud-africain, a fait part de son émotion lors d'une allocution télévisée : « Notre nation a perdu son plus grand fils. Notre peuple a perdu un père ». Dans un télégramme envoyé au président sud-africain, le pape François a également rendu hommage au héros de la lutte contre l'apartheid ; il salue « l'engagement constant montré par Nelson Mandela pour promouvoir la dignité humaine de tous les citoyens de la nation et forger une nouvelle Afrique du Sud ». Le dalaï-lama ou encore le président chinois, Xi Jinping, ont salué la mémoire de celui qu'ils considèrent comme un « ami ». Sur les réseaux sociaux, les réactions à la mémoire de Nelson Mandela sont vives. 


3 décembre 2013

Honduras : les défis du nouveau président.


Atmosphère glauque et tendue, entre soldats devant les bureaux de vote et présence de blindés à plusieurs carrefours clés de Tegucigalpa, capitale du Honduras qui était appelée, le 24 novembre dernier, à voter pour son nouveau président. C’est ainsi que se sont déroulées les élections présidentielles de ce petit pays d’Amérique Centrale, qui reste encore tiraillé entre deux pôles. Le chavisme que le président José Manuel Zelaya Rosales avait représenté avec ferveur avant de perdre le pouvoir lors d’un violent coup d’État en 2009 et la protection des États-Unis qui contrôle cette région de main de fer, en raison notamment du canal de Panamá si proche et vital pour l’économie des États-Unis.

Un président fantôme

Les cicatrices du coup d’État de 2009 restent profondes. Il faut dire que les opposants de Zelaya n’y sont pas allés de main morte afin de renverser ce président beaucoup trop à gauche selon eux. En conflit avec le pouvoir législatif et avec l’armée qui refusaient ensemble l’instauration d’un référendum populaire très chaviste afin de s’assurer de sa popularité, le président a destitué le général en chef de l’armée afin de montrer sa colère, ce qui a été considéré comme un véritable acte de provocation par l’aile conservatrice.
C’est ainsi que le jour même du référendum, le 28 juin 2009, l’armée a littéralement expulsé du pays son propre président de la République. Un coup d’État en règle, contesté par tous les leaders des pays américains. Le nouveau président en place n’a jamais été reconnu par la communauté internationale, et dès lors une étrange situation a vu le jour, le président du Honduras, réfugié au Costa-Rica continuait à représenter officiellement le pays devant les instances internationales et à nommer les diplomates et représentants honduriens à l’étranger.

Xiomara Castro (à gauche), candidate libérale malheureuse à la présidentielle et Juan Manuel Zelaya (à droite) son époux et ex-président du pays défait par un violent coup-d'Etat en 2009. 
Par la suite, le candidat conservateur, Porfirio Lobo Sosa a gagné les élections qui suivirent, permettant à Zelaya de rentrer au pays et de reprendre la contestation en fondant son propre parti, le Partido Libertad y Refundación, dont la candidate à ces élections de 2013 n’était autre que sa propre femme, Xiomara Castro. C’est donc dans ce contexte tendu, que les Honduriens se sont présentés devant les urnes ce dimanche 24 novembre, afin de choisir entre le candidat libéral Mauricio Villeda (ancien parti de Zelaya), le candidat conservateur Juan Orlando, le continuateur du président Lobo, dans un pays où les mandats ne peuvent pas être reconduit, et donc Xiomara Castro, épouse de Zelaya et première candidate à pouvoir rompre ce bipartisme caractéristique du pays depuis près d’un siècle.

Le pays le plus violent du monde hors zone de guerre

Mais bien plus que le contexte politique basé sur les ruines du coup d’État de 2009, c’est bien la situation interne de la nation qui fait de ces élections présidentielles, un moment clé pour ce petit pays. En effet, les déferlantes de la crise économique mondiale ont balayé les quelques progrès qui ont vu le jour dans les années 1990. La productivité a baissé, tout comme le Produit Intérieur Brut du pays, et en parallèle, le taux de chômage a augmenté. Bien plus que la crise économique, c’est bien la violence constante dont le pays est victime qui est à l’origine de tout cela, entraînant avec elle comme un jeu de dominos la montée de la corruption à des niveaux inégalés dans l’histoire du Honduras et la réticence des investisseurs face à l’instabilité politique et sociale.

Cette violence est le mal qui ronge Tegucigalpa, c’est en effet le pays le plus dangereux du monde mis à part les pays officiellement en guerre, avec un taux d’homicide de 82 pour 100 000 habitants, 3 fois plus que l’Afrique du Sud par exemple, un des pays souvent cité pour son insécurité. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce problème, il y a tout d’abord le contexte régional où le trafic de drogue est surpuissant, la production colombienne passant par l’Amérique Centrale jusqu’aux narcotrafiquants mexicains qui, eux, vont distribuer les produits aux États-Unis. Pour preuve, les pays proches ont, eux aussi, des taux d’homicides élevés, 7 pays de l’Amérique Centrale ont un taux d’homicide supérieur à 20 pour 100 000, faisant de ces nations des lieux dangereux selon l’ONU (le Mexique, le Belize, le Salvador, le Guatemala, le Panama et donc le Honduras, leader de ce classement malheureusement révélateur des problèmes de la région). Les maras [nom donné aux gangs liés au trafic de drogues] du Honduras attirent toujours plus des jeunes qui ont perdu l’espoir de trouver un travail stable et qui rêvent de voitures et bijoux que les mareros exhibent dans les rues, voire même dans les médias ou clips musicaux.

Le classement des pays avec le taux d'homicides volontaires le plus haut en 2012, selon l'office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

En plus de ce facteur, le Honduras est rongé par un problème qui existe depuis son indépendance, l’incapacité du pouvoir à intégrer les populations indigènes. Ces populations se retrouvent aux mains des grands propriétaires terriens qui les exploitent et dont la plupart travaillent pour la compagnie Chiquita (ex United Fruit Company, exportatrice de fruits aux États-Unis) dont les gains se retrouvent presque toujours aux États-Unis. Ainsi les violences et protestations se sont multipliées dans les campagnes et depuis peu dans les villes qui voient arriver de nombreux indiens peupler les bidonvilles de banlieues, et les indigènes sont de plus en plus nombreux à s’engager avec les maras qui disposent aujourd’hui d’une force de frappe presque aussi importante que l’armée régulière du pays.

États-Unis vs Venezuela.

Le contexte propre au continent a également fait de ces élections un événement international. En effet, depuis la mort de Chávez, les disciples de ce-dernier se réduisent rapidement, faisant de la gauche populiste une expression à utiliser de plus en plus au passé. Les problèmes du disciple de Chávez, Nicolás Maduro au Venezuela, qui a eu de grandes difficultés à se faire élire et dont la politique n’est pas acceptée par beaucoup de vénézuéliens est en train de faire perdre l’espoir d’une révolution sociale aux autres présidents latino-américains, tout comme ses brouilles récentes avec de nombreux pays frontaliers dont la Colombie. 

Juan Orlando, le candidat conservateur vainqueur de ces élections présidentielles.

Les observateurs étaient donc nombreux pour voir si Xiomara Castro, l’épouse de Zelaya, allait enfin donner une victoire à leur camp. De l’autre côté, se trouve Washington, ayant depuis toujours fait de l’Amérique Centrale son propre jardin, en raison notamment de la proximité du canal de Panamá, organe vital pour l’économie américaine et des liens anciens qu’ils ont tissés avec ces pays d’Amérique Centrale longtemps totalement dépendants des bonnes (ou mauvaises) volontés de la United Fruit Company. Il était intéressant de voir si les États-Unis allaient garder leur domination politique sur ce pays, en voyant gagner le candidat conservateur pro-américain, grand favori, Juan Orlando a notamment étudié son master aux États-Unis.


Le résultat était donc attendu, mais n’a connu aucune surprise, les Honduriens ayant voté pour la continuité du président conservateur Lobos en la personne de Juan Orlando. 34% des scrutins seraient favorables à Juan Orlando, contre 28,8% pour Xiomara Castro, dans un pays où les élections se font en un seul tour. Malgré cela, des accusations de fraudes et d’irrégularités dans de nombreux bureaux de vote, ont été dénoncées de la part de Xiomara Castro, qui avait assuré, sur Twitter, avoir gagné le scrutin. L’épouse de Zelaya a également appelé à des manifestations, le 25 et 26 novembre, suivies par beaucoup de ses partisans et repoussées violemment par la police et les militaires. Finalement les organismes internationaux et autres pays de la région ont réussi à calmer les tensions en assurant n’avoir vu aucune irrégularité dans ces élections et Juan Orlando a donc été déclaré vainqueur, malgré le « vol des présidentielles » dénoncé par le couple Zelaya-Castro. Avec un pays souffrant de tellement de problèmes internes et dorénavant si divisé politiquement, l’idée de voir le nouveau président régler la situation semble donc de plus en plus utopique.  

13 novembre 2013

Siv Jensen, l’artisan du triomphe de l’extrême-droite norvégienne.


C’est une femme. Elle est blonde. Elle dirige un pari d’extrême droite qui fait parler de lui depuis des années et qui a réalisé des percées notables au cours des dernières élections législatives. Non, il ne s’agit pas de Marine Le Pen mais de Siv Jensen, cette femme de poigne qui dirige le Parti du Progrès (FrP) depuis qu’elle a succédé à Carl Hagen en 2006. Son visage radieux ne cesse de s’afficher dans les journaux scandinaves depuis que la droite a remporté les élections législatives le 9 septembre dernier. Jens Stoltenberg, premier ministre travailliste (AP), s’est vu contraint de remettre sa démission au roi Harald V après l’échec de son parti qui n’a réuni que soixante-quinze mandats, contre quatre-vingt-treize pour le bloc de droite. Le FrP de Siv Jensen parvient quant à lui à réunir vingt-cinq sièges. Un score inférieur à celui réalisé en 2009, année record pour le parti populiste (quarante-et-un mandats), mais suffisant pour imposer à Erna Solberg, tête de file du parti conservateur Hoyre , un gouvernement de coalition avec le centre-droit et le FrP. Pour la première fois, l’extrême droite norvégienne s’invite dans l’exécutif avec pas moins de sept ministres.

Siv Jensen (centre) reste omniprésente dans les journaux norvégiens. Ici dans le Dagsavisen du mardi 28 octobre.

Une fille spirituelle de Margaret Thatcher et Ronald Reagan

Si son parti n’a toujours pas remporté d’élections – ce qui ne saurait tarder selon elle –, Siv Jensen se réjouit de ce résultat puisqu’il lui permet de disposer d'un crédit suffisant pour peser sur la politique de son pays. Le 16 octobre 2013, elle décroche le portefeuille capital du Ministère des Finances. Pour cette diplômée de la Norwegian School of Economics, il s’agit tout d’abord de mettre en place sa conception de l’économie. Depuis son engagement avec le FrP en 1988 (après un passage éclair au sein des jeunesses du Hoyre), Siv Jensen a toujours combattu la conception social-démocrate qui prévalait dans les pays nordiques, à savoir la prédominance de l’Etat-providence. Fille spirituelle de Margaret Thatcher et Ronald Reagan, elle dénonce ce qu’elle considère comme la mauvaise gestion d’un Etat devenu Léviathan. Conjointement avec les responsables de Hoyre, elle s’est engagée à des baisses d’impôts conséquentes qui, selon elle, renforceront la compétitivité des entreprises norvégiennes. Elle souhaite également réformer en profondeur le domaine de la santé – pourtant porté aux nues par le reste de l’Europe – afin de mettre un terme au monopole étatique. Pour Siv Jensen, la libéralisation du marché de la santé et la réduction des impôts s’inscrivent dans une démarche libertarienne : individus et entreprises sont les seuls à même de décréter ce qui bon pour eux.

Immigration et lutte contre l’Islam, topos de l’extrême-droite européenne

Le second pilier du programme du FrP de Siv Jensen, c’est le durcissement de la politique d’immigration en Norvège. En 2009, la dirigeante d’extrême-droite s’était illustrée lors d’un discours devant la chambre des Communes britannique. Elle avait alors déclaré que la Norvège « avait beaucoup à apprendre des Britanniques mais que, concernant la politique d’immigration, […] la Grande-Bretagne avait totalement échoué ». Malgré le fait que, selon l’institut statistique SSB, seulement 1,7% de la population était issue de l’immigration en 2012, Siv Jensen critique une gestion laxiste et naïve de la gauche norvégienne. Elle dénonce le manque d’intégration d’une partie de la population immigrée ainsi que le contrôle insuffisant des flux d’entrée illégale sur le sol norvégien. Sans surprise, ce combat contre l’arrivée de migrants s’accompagne d’un autre topos cher à tous les partis d’extrême-droite en Europe : la lutte contre ce que Siv Jensen appelle snikislamisering soit l’équivalent norvégien de « l’islamisation rampante ». Elle s’en prend à l’islam radical qu’elle considère comme la couverture d’une politique d’asservissement de la femme. Politique bien entendu profondément opposée à l’égalité des sexes qui caractérise la société norvégienne. Reste que, dans le discours populiste revendiqué par Jensen, la distinction entre un islam modéré et un islam radical n’est pas toujours évidente. Les musulmans norvégiens, qui constituent la première minorité religieuse d'un pays majoritairement protestant, doivent parfois avoir les oreilles qui sifflent devant la rhétorique du FrP.

Un penchant atlantiste marqué

Dans la veine de la lutte contre l’intolérance religieuse, Siv Jensen réaffirme régulièrement le soutien de FrP à l’allié américain au sein de l’OTAN. La présence des troupes norvégiennes, aux côtés des marines américains, en Afghanistan s’inscrirait dans le cadre d’« un combat pour la liberté » qui serait « le plus important de l’histoire moderne » face au rigorisme des talibans. Sans surprise, elle clame également haut et fort son soutien à l’Etat d’Israël ; notamment dans sa lutte contre la Hamas palestinien. Après un voyage à Sderot en 2008 où elle fut témoin d’une attaque menée par l’organisation islamiste, elle s’oppose à la décision du gouvernement de Jens Stoltenberg de reconnaître son existence. Elle déclare alors que l’« on ne négocie pas avec des terroristes, jamais »

Siv Jensen semble donc avoir réussi à imposer l’extrême-droite comme un force incontournable de la politique norvégienne. Etre une femme aide sans doute à adoucir le message populiste et parfois xénophobe du FrP. L’extrême-droite norvégienne n’est pas la seule à avoir compris cela. A travers l’Europe, de nombreux partis de la droite nationale-populiste ont désormais intégré des femmes à des postes stratégiques : le Front National de Marine le Pen, le Jobik (Hongrie) de Krisztina Morvai ou encore, jusqu’en septembre 2012, le Parti du peuple danois de Pia Kjærsgaard.

De Trondheim, Hugo Berriat.

11 novembre 2013

Fotógrafo de guerra : A más cerca de la guerra civil siria


Los fotoreporteros suelen hacer soñar generaciones de reporteros en ciernes. El 22 de Octubre 2013, Robert Capa habría tenido cien años si no hubiera muerto en Indochina el 25 de mayo 1954. Por su brillo, su valor y compromiso, Capa contribuyó en crear, y en gran parte en mitificar, una profesión entera. JM Lopez es un fotoreportero quien merecería ser considerado como un digno heredero del genial húngaro. Formado en la fotografía en la Escuela de Artes y Oficios de Oviedo, JM Lopez trabajó esencialmente para La Crónica de León hasta 2009. Decide convertirse en fotógrafo independiente y multiplica las escapadas lejos de su España natal: Irán, Kosovo, Haití, Guatemala… A partir de este momento, trabaja con las más prestigiosas publicaciones del mundo como el New York Times, Le Monde o también El País. Para LPO, aceptó compartir su experiencia de reportero en tiempo de guerra. 


Acabas de regresar de Alepo en Siria, puedes describirnos la situación actual en la zona? Cuál es el equilibrio entre los rebeldes y las fuerzas leales?

La situación actual en Siria es muy complicada. Por una parte, está el Ejercito Sirio y por otra parte, todos los grupos rebeldes. Ninguno de los dos bandos parece suficientemente fuerte para ganar al otro y la guerra ha entrado en una fase de estancamiento. Además en el bando rebelde la aparición de grupos islamistas muy próximos a Al-Qaeda ha generado muchas tensiones con el FSA llegando incluso a enfrentamientos entre ellos y también con los rebeldes kurdos.

Presenciaste combates, ¿Fuiste testigo del uso de armas no convencionales?

No, yo hasta ahora no he sido testigo directo de estos ataques aunque tengo colegas que si lo han sido.

El nueve de octubre, el primer ministro francés hizo público el nuevo rapto de dos periodistas
franceses: Nicolas Hénin y Pierre Torres. Reporteros sin Fronteras habla de un “incremento
inquietante del número de raptos”. Sentías tú esta amenaza en Siria? ¿Es este riesgo un tema que se habla entre reporteros? ¿Cómo puede uno protegerse de este riesgo?

El problema de los secuestros de periodistas en Siria ha llegado a un límite en el que muy pocos son los que se arriesgan a trabajar allí ahora. Los grupos islamistas están secuestrando a todos los extranjeros que encuentran e incluso ofrecen recompensas a quien les entregue alguno. Contra eso es muy difícil protegerse, solo teniendo mucha experiencia, muy buenos contactos y mucha suerte. Conocer bien el área por la que te vas a mover y dejarse ver lo menos posible son también otras precauciones que hay que tomar. Además ahora hay que ir siempre escoltado por alguna brigada de absoluta confianza.

Has elegido trabajar como freelance. ¿Te da este estatuto la impresión de tomar más riesgos que un fotógrafo de una agencia o de uno que tiene el apoyo de la redacción de un periódico? Por ejemplo, tienes un guía, una persona que le informe sobre la zona, que te introduzca en los lugares en guerra? Cómo lograste entrar en Siria?


Yo creo que los riesgos a la hora de enfrentarte a una situación son los mismos para todos, lo que tal vez pueda facilitarte el estar en un medio de comunicación es cuando hay algún problema. Lo que pasa ahora es que como la situación es tan complicada los medios de comunicación no quieren problemas y no mandan a sus reporteros a cubrir el conflicto y somos los freelances los únicos prácticamente que estamos trabajando allí. Tanto unos como otros nos movemos con un guía que recibe el nombre de fixer, normalmente también sirve de traductor y a veces de conductor, tiene que ser una persona que conozca muy bien la situación y tenga buenos contactos con los diferentes grupos rebeldes.

© JM Lopez

Cuando uno se encuentra en el medio de la zona de combate, ¿Cómo se sitúa un fotoreportero respecto a su tema? No existe el riesgo de una contradicción entre la necesidad de tomar distancia respecto a los que usted fotografía mientras que en realidad son los únicos que pueden protegerle?

En ese sentido como yo lo entiendo, trabajar en una zona de combate no es muy diferente de trabajar en cualquier otro sitio, uno tiene que intentar mantenerse imparcial y ser honesto con el trabajo que está realizando.

Por cierto, ¿Como lograste ser aceptado por los rebeldes ?

La población siria es tremendamente hospitalaria y eso incluye por supuesto a los rebeldes. Además muchos de ellos antes tenían otro oficio como panadero, maestro o vendedor lo cual hace que te vean como alguien muy parecido a ellos, que en un momento determinado tuvieron que empuñar las armas. La relación es muy cercana y más cuando en alguna ocasión has compartido comida y cama con ellos.

Cubriste en su carrera profesional otras zonas de conflicto (Afganistán, Irak) antes de llegar a Siria. Algunos reporteros con veinte o treinta años de experiencia afirman que no han visto nunca combates tan violentos como los de Siria. ¿Has tenido este mismo sentimiento?


Se suele decir que cada guerra es diferente, en Siria los combates están muy centrados en las ciudades lo que provoca muchas bajas civiles, bombardeos indiscriminados y a medida que se dilata en el tiempo mucha destrucción. Para mi es la peor guerra que he visto pero no creo que sea muy distinta a la de los Balcanes o Líbano.

© JM Lopez

El fotoreportero de leyenda, Don McCullin, viajó a Siria en 2012. Al volver, declaró “es tiempo para mí de dejarlo, de renunciar a mi carrera de reportero. Tengo ganas de belleza”. Después de semejantes inmersiones en medio del caos, tienes a veces esta misma necesidad? O te parece que en medio del conflicto, uno consigue sacar una parte de belleza, a pesar de todo?

La guerra es seguramente el peor sitio para estar, hay poco de belleza allí, a pesar de todo seguimos yendo porque es necesario contar lo que está pasando. Todo tiene su momento pero yo creo que aún no me ha llegado el momento de dejarlo.

Un debate ha agitado el ámbito de los reporteros gráficos, después de la publicación por Time
Magazine de fotos muy explicitas de la ejecución sumaria de soldados leales al poder. Por su seguridad, el fotógrafo prefiere permanecer anónimo. Cuál es tu opinión acerca de estas imágenes?

Son unas imágenes muy duras pero no es la primera vez que se ven ejecuciones, ahorcamientos en Irán o Pakistán, lapidaciones en Afganistán, o gente que se quema a lo bonzo. Yo creo que los fotógrafos estamos para retratar todo tipo de situaciones y en casos como estos siempre queda la duda de si realmente actuaron así porque había un fotógrafo delante.

Una pregunta más técnica: como fotógrafo, ¿cuáles son tus métodos en el terreno y que cámaras, qué objetivos suele utilizar?

Me gusta trabajar con un equipo ligero, sin teleobjetivos ni zoom, tampoco uso nunca flash.

Tengo 2 cuerpos de cámara Canon 5D Mark II y los objetivos que uso 24, 35 y 50 mm, fijos y luminosos. Me gusta estar cerca de lo que esta pasando.

© JM Lopez

Parece que hoy en día todo el mundo se convierte en fotógrafo. El medio se está democratizando por la llegada de los Smartphone y aplicaciones como Instagram. Las poblaciones afectadas se convierten en periodistas-ciudadanos como lo muestra el ejemplo de Lens of a Young Deri. Algunos podrían preguntarse sencillamente si los fotoreporteros siguen siendo útiles en el terreno. ¿Qué más aportas respecto a un joven Sirio con su Iphone o su compact?

La profesionalidad. El periodismo ciudadano esta muy bien porque hay veces que llega donde los profesionales no llegamos pero a veces nos olvidamos que no siempre ofrece una información veraz y contrastada.

Se suele decir de los periodistas y de los fotógrafos que son como los « perros guardianes » de la democracia. ¿Le da tiempo a uno pensar en este tipo de cosas cuando se encuentra en Siria?

Cuando estas en Siria o en cualquier otro lugar trabajando, no tienes mucho tiempo para pensar en estas cosas precisamente, aunque las comparto totalmente, quizá son reflexiones para otro momento.

Te encuentras en España hoy pero ¿tiene la intención de volver a Siria?

La intención existe pero veremos a ver el mes que viene como está la situación allí y si los medios con los que colaboro quieren que vuelva.



Las fotos presentadas en este artículo han sido premiadas al International Photography Awards.

Entrevista realizada por Hugo Berriat
Traducción : Joanne Rojas Rodriguez
Gracias a Cécile Cochois para su ayuda lingüística




7 novembre 2013

Vols de zébus à Madagascar : pourquoi le nord de l'île y échappe ?


A Madagascar, les zébus sont partout. Véritable richesse dans un pays qui compte parmi les plus pauvres du monde, ils sont utilisés au quotidien : à l'avant d'une charrette  dans un champ ou tout simplement, dans les plats cuisinés. Leurs cornes sont aussi régulièrement récupérées pour l'artisanat. Ce n'est donc pas un hasard si ces bœufs sont extrêmement convoités, en particulier par les réseaux de trafiquants. Alors que les vols de zébus en bandes organisées sont une source majeure d'insécurité dans le sud de la Grande île, le nord, lui, est épargné. Cette enquête itinérante au cœur de la région de la SAVA [Sambava, Antalaha, Vohémar, Andapa], permet d'éclairer les raisons pour lesquelles le Nord échappe aux vols de zébus en masse. L'explication la plus courante s'appuie sur les divergences cuturelles entre le nord et le sud, mais elle n'est pas la seule. 

A l'origine, le vol de zébu constitue un rite initiatique propre à certaines populations du Sud. Il permet à un adolescent d'affirmer sa virilité et de devenir un homme aux yeux de sa communauté. Le phénomène s'est progressivement amplifié et a donné naissance à des réseaux criminels très organisés. L'année 2013 a d'ailleurs été marquée par une recrudescence des vols de zébus dans la partie sud de Madagascar. Les chiffres sont sans appel : « En six mois, près de 20 000 bœufs ont été volés dans tout le pays », ce qui équivaut, en moyenne, au vol de plus de 3000 têtes par mois. Compte-tenu de l'ampleur du phénomène, les voleurs de zébus, connus sous le nom de dahalos, pourraient bientôt être considérés comme des terroristes par les autorités malgaches. D'une extrême violence, ceux-ci participent au développement de l'insécurité dans les zones prises pour cible. 


Pour Bruno, guide touristique à Marojejy, dans le nord de Madagascar, la principale explication de cette dérive est le chômage, très important dans le sud de l'île. Ce contraste économique entre le Nord et le Sud s'explique principalement par le climat. En effet, dans un pays où plus de 70 % de la population est rurale, les conditions de vie des habitants dépendent, pour beaucoup, de la fertilité des terres cultivées. Rakoto (36 ans) est exploitant agricole dans la petite ville de Sambava. La diversité des produits qu'il cultive est frappante. On y trouve, sur plusieurs hectares, des cannes à sucres, des bananes, des jacques [une espèce de fruit locale] ou encore de la vanille. Une vingtaine de zébus se déplacent dans son exploitation, en toute liberté. Ils ne sont pas attachés et aucune barrière ne délimite le terrain. Pour lui, pas de doute : « La fertilité des terres du Nord limite le chômage et, par conséquent, les vols. » 

Donat (62 ans) partage l'avis de Rakoto. Il est conseiller technique de la région de la SAVA, directeur de la radio Feon'i Sambava et journaliste-animateur régional : « Ici, l'économie est riche. Nous exportons le bois de rose, nous avons des pierres précieuses, de la vanille, du café... Le sud n'a pas toutes ces richesses. » En effet, la principale - pour ne pas dire unique - richesse du Sud, ce sont les bœufs. La fertilité des terres du nord de Madagascar permettrait donc de réduire le taux de chômage, limitant le développement de réseaux de trafiquants. Même s'il y a déjà eu des cas de vols de zébus au Nord, ceux-ci restent isolés. « Dans le sud, le réseau des trafiquants est puissant. Celui qui essaierait, de façon isolée, de voler un zébu, se ferait prendre », souligne Léonard (70 ans), ancien proviseur à la retraite, originaire de Tamatave. Il met également en avant le rôle de la gendarmerie dans le nord, « aux aguets », contrairement aux régions du sud dans lesquelles la gendarmerie serait de paire avec les malfaiteurs. 

Même si cet argument se retrouve souvent dans les propos de la plupart des témoins interrogés, il demeure difficile à vérifier. Quoiqu'il en soit, le trafic de zébus à Madagascar ne s'explique pas simplement par les différences culturelles qui opposent les habitants du nord et ceux du sud. L'inégale répartition des ressources naturelles et des richesses sur la Grande île y est pour beaucoup. Tant que les autorités malgaches ne mettent pas en place des mesures permettant de relancer l'économie, les réseaux de trafiquants continueront de se développer. Le gouvernement n'est pas totalement indifférent au problème du trafic de zébus puisqu'en août dernier, le ministère de l'Elevage a annoncé la mise en place d'un système de fichage des bœufs, afin d'assurer leur traçabilité. 

Même si cette prise de conscience des autorités est encourageante, elle peut être accueillie avec scepticisme par la population malgache qui attend, depuis 2009, la tenue d'élections présidentielles démocratiques. C'est désormais chose faite. Il revient donc au nouveau gouvernement de mettre en place les réformes nécessaires pour mettre fin aux trafics de zébus, dans un pays fragilisé par la crise politique qui dure depuis quatre ans.

4 novembre 2013

Fêter la mort avec le sourire, bienvenue au Día de los Muertos.


Les manières de célébrer ses morts varient bien entendu selon les cultures, coutumes et héritages historiques des différentes régions du monde, mais il faut bien avouer que le monde occidental traditionnel a l’habitude de voir ce jour d’une manière noire, triste et négative. Les cimetières français sont en effet, le jour de la Toussaint, assaillis d’une foule réservée, qui se recueille sur les tombes de leurs familles ou de leurs proches dans un silence de mort (chercher l’ironie) en les recouvrant de chrysanthèmes, fleurs traditionnellement associées au deuil[1]. Puis la famille retourne chez soi, bien au chaud en tentant d’oublier leur tristesse liée au court moment où ils se sont réunis au cimetière ensemble. Cette vision terne de la mort n’est néanmoins pas celle des Mexicains. Il n’y a, effectivement, pas plus exotique pour un Européen de séjour dans le pays du Nopal que cette fête des morts, ou Día de los Muertos que célèbrent les Mexicains le 2 novembre. Jour orné de couleurs, de sourires, de fêtes, de musique, de saveurs et de coutumes. 


Une tradition pré-hispanique.

Évoquer l'origine de ce jour si spécial est quelque chose de fondamentale. Il est très difficile de s’arrêter sur une date précise qui pourrait marquer le début des festivités du Jour des Morts, mais tout le monde est d’accord sur ce fait : la coutume est antérieure à l’arrivée des Espagnols dans le pays. Il faut, selon les spécialistes, remonter au minimum un millénaire avant notre ère pour atteindre les origines de cette fête. La fête d’aujourd’hui résulte d’un syncrétisme culturel des différentes perceptions et cérémonies qu’avaient les civilisations pré-hispaniques concernant la mort, et du devoir de mémoire qu’ils se devaient de rendre à ces derniers.

Mais c’est surtout la civilisation aztèque, héritières des cultures passées de la région, qui permet de comprendre la genèse de cette tradition mexicaine. Inutile de le préciser, pour cela il faut faire complètement abstraction de la conception catholique, voir occidentale de la mort. La vision du paradis et de l’enfer n’existe pas, c’est plutôt la façon de mourir qui indique aux futurs défunts leurs mutations prochaines. Le Tlalocan pour les Aztèques était le paradis de Tlaloc, dieu de la pluie, et était ainsi réservé aux morts liés à la sécheresse ou à n’importe quel évènement en rapport avec l’eau comme la noyade par exemple. Par ailleurs le paradis Omeyocan, présidé par Huitzilopochtli, dieu de la guerre, était le paradis recherché de tous, avec un soleil sans fin, de la musique, des fruits multicolores et une prospérité sans limites. Mais ce lieu était réservé pour les morts aux combats, les soldats tombés pour leur patrie. On comprend un peu plus l’essence de ces sociétés pré-hispaniques  basée sur la guerre avant tout. L’idée reste similaire pour les autres paradis, du paradis du sacerdoce, en passant par celui des agriculteurs.


Statuette de Mictlantecuhli, dieu aztèque des morts, British Museum.

Mais le point à mettre en avant pour la vision de la fête des morts comme elle est fêtée aujourd’hui est le suivant, le paradis de la mort naturel (le Mictlan), présidé par Mictlantecuhtli et Mictecacíhuatl, seigneur et dame du sanctuaire, était logiquement le plus important en nombre de mort. Ainsi la fête concernant les morts de ce sanctuaire se célébrait sur près de deux mois, en concordance avec la fin de la récolte du maïs, base alimentaire de ces civilisations et souvent présent dans la mythologie accompagné de la courge, des haricots et des pois.

Le Jour des Morts reste cependant le moment clé de ces célébrations, un jour dédié aux proches et à la famille décédée, qui avait lieu le plus souvent lors du dixième mois du calendrier mexica, c'est-à-dire en août. La tradition consistait à découper l’écorce de l’arbre sacré (le xócotl), sous la surveillance de Mictlantecuhtli et de Mictecacíhuatl, puis de déposer les fleurs de cet arbre sur les tombes accompagnées de roses d’Inde. Tout cela en décorant les cimetières d’objets sacrés et en ornant les sépultures de nourritures typiques et de maïs, pour évoquer la fin de la récolte. Malgré les siècles qui se sont écoulés, c’est donc vers cette coutumes qu’il faut regarder pour comprendre l’origine de la fête des morts, les fleurs ornant les cimetières mexicains à cette date étant les mêmes qu’aujourd’hui et l’idée de partager sa nourriture avec les défunts est également présente dans les commémorations actuelles.

Un syncrétisme de nombreuses époques et cultures.

L’arrivée des Espagnols dans le pays, avec leur conception différente de la mort bouleversa la tradition, sans pour autant l’éradiquer. En d’autres termes, les conquistadores, eux, étaient surtout effrayés par la mort, qui est une fin totalement incertaine de la vie. Ils avaient donc la coutume de fêter la Toussaint en allant dans les cimetières pour offrir des verres finement ornés d’or remplis de vin rouge, rappelant le sang du Christ, ainsi que du pain, représentant le corps du Messie[2]. Tout cela accompagné de bougies qui les guidaient à travers le cimetière.

Lors de la colonisation, par un rituel classique d’assimilation[3], les Espagnols ont tenté avec un succès certain d’atténuer les rites indigènes, ces derniers s’étant convertis au catholicisme. Toutefois, c’est à partir des années 1920 que le rituel a totalement refait surface par le biais du gouvernement. La situation politique compliquée du pays, régi par les gouvernements nationalistes depuis la révolution de 1910 contre l’illustre despote Porfirio Díaz, était très instable voyant les coups d’états et les révolutions internes se multiplier. L’idée était donc, à l’instar de la IIIème République qui décida de populariser la fête du 14 juillet en France, d’établir une culture nationale, en développant la fête des morts.

En bref, el Día de los Muertos est donc une fête ancienne, datant des civilisations pré-hispaniques desquelles résultent les rituels de fleurir les tombes et de fêter la mort joyeusement. Mais l’arrivée des Espagnols n’a pas totalement réussi à gommer ces cultures « barbares ». Elle a seulement abouti au déplacement de la date de la fête qui correspond maintenant au jour des morts catholique. Par ailleurs, elle a permis l’introduction de quelques rituels religieux venus de la métropole, comme le fait d’offrir du pain et du vin au défunt. Enfin l’instabilité politique du pays dans les années 1920, due à la Révolution Mexicaine, a poussé le gouvernement à inciter au retour en grâce de cette fête, symbole de fierté nationale, célébrant leurs racines mésoaméricaines et espagnoles.

Ce syncrétisme de culture et d’époque laisse donc place à une fête haute en couleurs, distinguée par l’UNESCO en 2003 comme étant un chef d’œuvre du Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité[4]. La fête n’avait besoin que d’une icône, comme le Père Noël pour le 25 décembre, et ce sera la Catrina, à l’origine caricature de Guadalupe Posada de 1912 se moquant de personnages indigènes ayant accédé à la richesse sous le contrôle de Porfirio Díaz. Diego Rivera lui-même reconnaîtra l’importance de ce personnage dans une de ses peintures murales de 1948. Il donnera même le nom actuel du protagoniste, celui de Calavera de la Catrina [cette année les mexicains ont fêté les cent ans de la mort de Posada, ce qui a donc été le prétexte de nombreuses manifestations culturelles, et cela surtout à Aguascalientes, lieu de naissance du peintre]


Dérivé de la première Catrina, la caricature de Guadalupe Posada (©LPO)

Une "Catrina" géante, événement organisé par le conseil municipal d'Aguascalientes pour commémorer les 100 ans de la mort de Posada, le peintre à l'origine de ce portrait. (©LPO)
On a donc une fête pleine de joie et de perspectives culturelles. Comme à l’époque des Espagnols, les familles visitent les cimetières pour donner des offrandes aux morts. Et cela selon des règles bien précises. Les autels installés dans les cimetières, dans les maisons ou même dans les universités[5] se composent de 7 niveaux qui symbolisent les sept passages de l’âme vers le repos éternel. Les échelons se forment de la manière suivante :

     - Le premier étage reçoit une icône du saint que le défunt idolâtrait particulièrement, ou de la vierge
     - Le second est dédié aux âmes du purgatoire
     - Le niveau trois reçoit un chemin de sel pour aider les enfants du purgatoire à trouver leur chemin
     - Le niveau quatre, quant à lui, reçoit le pain des morts, représentant le corps du Christ et traditionnellement du vin, même si de nos jours la bière ou la tequila favorite du mort tend à le remplacer[6].
     - Le cinquième niveau s’agrémente du plat favori du mort.
     - Le sixième niveau est orné de la photographie du défunt.
     - Et enfin le septième niveau se compose d’une croix de rosaire faite de fruits ou de fleurs.


Un autel typique du Día de los Muertos mexicains, avec ses sept passages
pour que l'âme atteigne le repos éternel (©LPO).

Maillots de football et calaveras en sucre ou chocolat.

Néanmoins, de nos jours, les symboles peuvent être détournés et s’éloigner de la tradition. Il n’est en effet pas rare de voir des maillots de football accompagner la photo des défunts. De même pour les politiciens qui peuvent reposer sous le logo de leur parti ou les couleurs traditionnels de ce dernier.  L’autel, illuminé par des bougies qui symbolisent l’ascension des esprits, orné de fleurs jaunes (la mort), violettes (la vie), blanches (le ciel) et de maïs symbolisant à la fois la paix spirituelle et étant la preuve d’un séjour terrestre harmonieux. On peut y ajouter l’eau, symbole de fertilité, les quatre points cardinaux pour l’orientation future du mort, ainsi que les calaveras en sucre ou en chocolat, symboles du goût de la vie qu’avait le défunt dont le nom trône sur le front de cette tête de mort.

Un formidable vivier économique protégé par l’UNESCO.


Entrée du XVIIIème Festival de Calaveras d'Aguascalientes,
illustration de la "commercialisation" du Jour des Morts 
(©LPO).

Les rites sont donc bien conçus, mais ce Día de los Muertos est également un formidable vivier économique, le dicton mexicain «  No se puede negociar con la muerte, pero sí se puede hacer negocio con ella »[7] confirmant cette idée. Toutes les villes ont leur festival de los Muertos, avec des activités mettant la mort en scène. Mais c’est surtout l’occasion de sortir au grand air à la fête foraine du festival, de manger dans un restaurant situé dans le parc avec sa famille ou tout simplement d’acheter des produits locaux peu connus. Les pièces de théâtre sur le sujet sont multiples, les défilés de personnes déguisés omniprésents, tout comme les marchés locaux (appelés Mercado de los Muertitos) où les décorations pour les maisons, les têtes de morts en sucre ou en chocolat et autres objets insolites sont en ventes.

Pour les locaux c’est l’occasion rêvée de faire des affaires, les Mexicains eux-mêmes n’hésitant pas à dépenser leur argent comme à Noël pour les décorations ou les plats régionaux. Les touristes occidentaux sont également dans le viseur, l’originalité et l’exotisme de cette fête typique attire chaque année de millions de touristes venus surtout d’Europe et des États-Unis. Pour les compagnies touristiques, c’est l’heure des grandes manœuvres avec des prix cassés et des voyages organisés qui se multiplient. Bref c’est l’usine. Comme par exemple à Pátzcuaro, énorme lac de l’état du Michoacan abritant une des îles typiques du pays, avec le Pueblo Magico de Janitzio. Ce lieu, qui voit la fête des morts débuter sur le lac, dans des chaloupes éclairées de nuits pas de faibles lueurs de bougies, recevant les sons inquiétants de prêches préhispaniques, est devenu la capitale touristique du pays à cette époque de l’année. Les embarcations surchargées se relayant les unes après les autres pour transporter les visiteurs avides de surprises. Mais la protection de la fête par l’UNESCO aide néanmoins à éviter les excès financiers concernant l’évènement[8].


L'étalage d'un stand du marché des Muertitos, plein de Têtes de Morts en sucre,
bonbon adoré par les enfants mexicains (©LPO)

Entre fêtes de zombies et petites têtes en sucre.

Juger l’aspect économique trop rapidement serait néanmoins trop simpliste. Il est tout à fait logique que les habitants du Mexique, pays possédant un taux de pauvreté très important, profitent de cette fête. Ils ont la chance de célébrer la mort d’une manière différente, pleine de magie, de féerie et de couleurs. L’animosité que certains Mexicains portent à Halloween témoigne de leur attachement pour leur Día de los Muertos. En effet, l’influence du voisin nord-américain dans le pays est telle que la fête d’Halloween est considérée comme un danger par lesdits Mexicains, effrayés de voir leur jour traditionnel prendre des couleurs noires et oranges et représenté par des citrouilles.

Il faut dire que les régions frontalières fêtent Halloween comme les Américains (le cas contraire est également visible, les États comme le Texas ou la Californie avec la présence de nombreux immigrés mexicains fêtent également le jour des morts mexicains). Il ne faut toutefois pas encore s’inquiéter, la fête est vraiment ancrée dans les traditions mexicaines chez les grands et les petits. La présence d’Halloween ne fait que rendre ces quelques jours encore plus beaux et surprenants, entre fêtes de zombies et petites têtes en sucre. Le Mexique continuera encore à fêter la mort avec le sourire. En d’autres mots, la fête des morts, c’est mortel !



[1] L’utilisation du chrysanthème n’est pas si ancienne, elle remonte en effet à 1918, pour commémorer l’armistice du 11 novembre les soldats français et belges voulaient fleurir les tombes des morts pour la patrie, mais à cette époque ils ne restaient guère que les chrysanthèmes qui étaient encore en fleurs. La Toussaint se situant aussi en novembre, époque orpheline de nombreuses fleurs, le chrysanthème a continué à être utilisé pour décorer les cimetières.  
[2] « C'est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit : Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en ma mémoire. De même, après avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en ma mémoire toutes les fois que vous en boirez. » (Corinthiens 11.23-26)
[3] Bien plus que les colonisations démographiques ou économiques, c’est les colonisations par le biais de l'assimilation qui était utilisées par les métropoles afin que sur plusieurs générations les « barbares » finissent par s’habituer de la présence du colonisateur, ce qui évitera d’éventuelles révoltes. Ce système était fondamental dans la colonisation espagnole en Amérique Latine et il fut repris par exemple par les Français lors de la seconde vague de colonisation, c'est-à-dire celle concernant l’Afrique et l’Asie.
[4] Pour L’UNESCO le Día de los Muertos est « une des représentations des plus importantes du patrimoine mexicain et mondial, et une des expressions culturelles les plus anciennes et étant fondamentale pour les groupes indigènes du pays ».
[5] L’évènement est tel que presque toutes les universités en profitent pour développer des activités ludiques et culturelles sur le sujet. L’exemple de l’Universidad Autónoma de Aguascalientes qui a poussé ses étudiants de langues à rendre hommage à un natif du langage qu’ils apprenaient le confirme. De nombreux autels concernant Chopin ou Méliès pour le français, ou encore John Lennon et Marilyn Monroe pour l’anglais ont été dressé dans le campus.
[6] Les prix faramineux du vin au Mexique n’a pas permis à la boisson de s’imposer sur les tables de repas, contrairement à la tequila ou à la bière, plus abordables et traditionnelles.  
[7] Littéralement : « on ne peut pas traiter avec la mort mais on peut faire des affaires avec elle ».
[8] L’UNESCO affirme son intention de conserver cette tradition : « bien que la tradition ne soit pas formellement menacée, sa dimension esthétique et culturelle doit être préservée des cultures non-indigènes et du caractère commercial qui pourrait affecter le contenu de la fête ».

1 novembre 2013

Interview of Booka Shade.


Booka Shade. Left: Walter Merziger - Right: Arno Kammermeier
LPO visited for you an electric festival called "L'Ososphère" in Strasbourg. A wonderful program including Fat Boy Slim, Kavinsky, Laurent Garnier, Yuksek or Booka Shade, which have accepted an interview. This band, one of the main figures of the German electro scene has released its new album named Eve on the 1st November. While the audience was enjoying the music in front of the stage, the two friends forming Booka Shade, Arno Kammermeier and Walter Merziger, seemed to enjoy giving this energy with a smile on their face. Thus, a good occasion to talk about this band, which is sometimes unrecognized in France. To start, we look back on one of the most famous songs of the band.




LPO: Your new album Eve is released on the 1st November, three years after your opus More, what happened between these years? 


Arno: What happens....(laughs). We worked on the album for quite a long time. Actually, it wasn't like we went to the Caribbean for two and a half year and return and did the album. It was a long process of song writing and finding the right way and the right style, in a way. Because it's the fifth album and there is a history with Booka Shade as an instrumental act. It's different to a band, when
you have a singer you can change the music and still the singer will keep the sound together if he has a remarkable voice. But with an instrumental act you have to find the music itself and it has to tell the story and has to bring the style. So we look for ways not to repeat ourselves and still to sound like Booka Shade and it took quite a long time and it was sometimes a very painful process for us.


LPO: What are you bringing with this new album and what do you want to express more?

Walter: We had a big crisis to be honest, it was very dangerous for the whole project. We didn't know what to say anymore, it was like emptyness, and we had a song written and it was not convincing for us .We already booked the tour and we played the Coachella Festival, all this American festivals, Australia, South America and we had no album but it was not good for us. So we threw the whole album in the garbage and said "Ok let's start again" but it was not, the production, not all coming together, it was a very long and painfull process. And we found that place in Manchester, a very nice studio, we could record some real drums, acoustic drums. The building, it's a house full of the strangest and wildest equipements you can imagine. You can sleep and eat there, so we didn't leave the house for a while and it was a great experience. We found also a unity again as a band, we felt again like a band as we said in the documentary that we did and it was a really nice experience and from that point on, it opened up and we realized "Ok now, it's the direction, it's clear now". Of course we changed at the end some songs that we didn't record in that studio but they were, they came out of this atmosphere, everything was starting to roll and to feel natural again.

LPO: Do you think that you had an influence of "Madchester"1 ?
Vue extérieure de l'Haçienda
Walter: It's the same when we play in Seattle, in Manchester, London, all these are legendary places for me. Firstly, when we drive in the city it's always something, of course, we are looking where the Hacienda was, which is not existing anymore. It's an industry building and now appartements, there is just a little plate of the Hacienda. There is a certain energy, it was a little bit outside of Manchester. It's the weather, it's the atmosphere in England, it's the whole feeling it's different and I'm not sure if there's really, I don't think that there is, a Manchester feeling in the album but I think the place, the
studio, where we recorded, is a special place and has a certain atmosphere and there is magic in this house and I think perhaps it comes from Manchester, I don't know...

1: Madchester was a musical movement mixing House and Rock in the 1980's and 1990's, based in Manchester and is the contraction of "Mad" and "Manchester". The Haçienda Club is the symbol of this era and have made with the help of the label Factory Records the recognition of bands as The Stones Roses or Happy Mondays.

LPO: It's been a few months that you're on tour, have you already tested the new album?
Arno: To be honest tonight is the very last show of the old tour, originally these shows, we thought that we were going to make it as a DJ set and then we decided to do it live. So, it's an end of an era. But we tried out a lot of the new songs which we are going to play in the new show, we tried them out as a DJ set since. All the time we worked on the album, the good thing about "DJing" is that you can take a song, if it's a dancing song or a clubby song, and you can try it out as a DJ set and then continuing the work, that's the really interesting thing about "DJing". But the new show will start and the premiere will be in Amsterdam at the ADE (Amsterdam Dance Event) in the middle of October. This tour was made because we didn't have an album. We booked already an European Tour, an American Tour. So we were like "what can we do...?" So it's the show that you see for the last time. So it's what we did without an album. "It's the No Album Tour "(laughs).
 1st track of the new album - Love Inc

LPO: What is your point of view on Berlin's scene, seen as a capital of electro? And what do you think of this German scene, in your last album? You especially worked with Fritz Kalkbrenner, one of the figures of this scene.

Fritz Kalbrenner sur sa pochette d'album
Arno: Fritz Kalkbrenner, that's the singer who did the song actually. The song was recorded almost two years ago and it's because he asked for a remix of the songs and we said "allright we do a remix and in return why you don't sing a song for us?" and it's how the cooperation came about, already a long time ago. In between, he recorded his second album and his own tour and everything and now the song is coming out in November.
Berlin's scene, of course, the topic wherever you go in the world, people ask you "where are you from? Berlin.", everybody said, "Sure of course, it has to be...". It has a long history, we are not original Berliner, we used to live in Frankfurt and actually we lived and grew up in Saarbrücken. And of course it became a capital of electronic especially. And so many artists in the world come to Berlin
because the costs of living are low and for a long time there were a lot of empty places where the people could do something like empty warehouses and everything. That's ending, this era is ending because the prices go up in Berlin as well, so rent goes up but it was for a long time a paradise actually for artists and many labels.

LPO: We are actually in a French festival, it's a way to talk about the French electro scene, what do you think of this and what is your contact with France?
Arno: Kavinsky, we met on an Australian Tour, we just said hello as we came in. We have to say about the French situation, because we met some of these artists but it was always in different countries, that we had a very good start in France. So, I start with the capital of French artists that we know, Laurent Garnier is a long time inspiration and it's a guy that we meet very regularly in festivals and everywhere. Then we first started to get physical with a label and we first started with Booka Shade in 2004-2005. We played in France quite regularly, we did good shows in Paris and in the South of France, but it was before Daft Punk came back and also just before Justice. All the French guys there were so big in France that we thought that there is no place anymore for us, so we stayed away for a while. Everytime we did come back, especially to Paris, it was great. We felt amazing and there were also a lot of people but it seems like the time was not there for a while now we're getting first feed back on the new album and that it could be a good time to come back to France and you see last weekend we played in Lille, now in Strasbourg, then we do Marseilles also, then we have Paris, so there is a couple of French shows coming up and for us it's great, no kidding, but we like the country a lot because we lived so close to France. So the feeling is there, I hope we can do some more shows.

LPO:You played on this tour with Depeche Mode, a band which stays a reference for you. What did you feel ?
Walter: We already played with them in 2006 in Berlin and we found Booka Shade more or less as a live band. We made the opening of Depeche Mode in 2006, I was speechless actually and that's not very often the case. We had the second chance to play in Tel Aviv and they treated us like a prince or a king, it was really, really nice, we had a long soundcheck, we had a great slot, one hour to play, immediatly then they started to play. It was very cool, there is some kind of connetion between our sound and the music we do and being a fan of Depeche Mode, so we went up very well, we had a great concert and we could play in a full house of 40,000 people because it was so close from the Depeche Mode gig, everybody was there, it was a great experience. 

Thanks to the band and all the team around for this interview - LPO