7 novembre 2013

Vols de zébus à Madagascar : pourquoi le nord de l'île y échappe ?


A Madagascar, les zébus sont partout. Véritable richesse dans un pays qui compte parmi les plus pauvres du monde, ils sont utilisés au quotidien : à l'avant d'une charrette  dans un champ ou tout simplement, dans les plats cuisinés. Leurs cornes sont aussi régulièrement récupérées pour l'artisanat. Ce n'est donc pas un hasard si ces bœufs sont extrêmement convoités, en particulier par les réseaux de trafiquants. Alors que les vols de zébus en bandes organisées sont une source majeure d'insécurité dans le sud de la Grande île, le nord, lui, est épargné. Cette enquête itinérante au cœur de la région de la SAVA [Sambava, Antalaha, Vohémar, Andapa], permet d'éclairer les raisons pour lesquelles le Nord échappe aux vols de zébus en masse. L'explication la plus courante s'appuie sur les divergences cuturelles entre le nord et le sud, mais elle n'est pas la seule. 

A l'origine, le vol de zébu constitue un rite initiatique propre à certaines populations du Sud. Il permet à un adolescent d'affirmer sa virilité et de devenir un homme aux yeux de sa communauté. Le phénomène s'est progressivement amplifié et a donné naissance à des réseaux criminels très organisés. L'année 2013 a d'ailleurs été marquée par une recrudescence des vols de zébus dans la partie sud de Madagascar. Les chiffres sont sans appel : « En six mois, près de 20 000 bœufs ont été volés dans tout le pays », ce qui équivaut, en moyenne, au vol de plus de 3000 têtes par mois. Compte-tenu de l'ampleur du phénomène, les voleurs de zébus, connus sous le nom de dahalos, pourraient bientôt être considérés comme des terroristes par les autorités malgaches. D'une extrême violence, ceux-ci participent au développement de l'insécurité dans les zones prises pour cible. 


Pour Bruno, guide touristique à Marojejy, dans le nord de Madagascar, la principale explication de cette dérive est le chômage, très important dans le sud de l'île. Ce contraste économique entre le Nord et le Sud s'explique principalement par le climat. En effet, dans un pays où plus de 70 % de la population est rurale, les conditions de vie des habitants dépendent, pour beaucoup, de la fertilité des terres cultivées. Rakoto (36 ans) est exploitant agricole dans la petite ville de Sambava. La diversité des produits qu'il cultive est frappante. On y trouve, sur plusieurs hectares, des cannes à sucres, des bananes, des jacques [une espèce de fruit locale] ou encore de la vanille. Une vingtaine de zébus se déplacent dans son exploitation, en toute liberté. Ils ne sont pas attachés et aucune barrière ne délimite le terrain. Pour lui, pas de doute : « La fertilité des terres du Nord limite le chômage et, par conséquent, les vols. » 

Donat (62 ans) partage l'avis de Rakoto. Il est conseiller technique de la région de la SAVA, directeur de la radio Feon'i Sambava et journaliste-animateur régional : « Ici, l'économie est riche. Nous exportons le bois de rose, nous avons des pierres précieuses, de la vanille, du café... Le sud n'a pas toutes ces richesses. » En effet, la principale - pour ne pas dire unique - richesse du Sud, ce sont les bœufs. La fertilité des terres du nord de Madagascar permettrait donc de réduire le taux de chômage, limitant le développement de réseaux de trafiquants. Même s'il y a déjà eu des cas de vols de zébus au Nord, ceux-ci restent isolés. « Dans le sud, le réseau des trafiquants est puissant. Celui qui essaierait, de façon isolée, de voler un zébu, se ferait prendre », souligne Léonard (70 ans), ancien proviseur à la retraite, originaire de Tamatave. Il met également en avant le rôle de la gendarmerie dans le nord, « aux aguets », contrairement aux régions du sud dans lesquelles la gendarmerie serait de paire avec les malfaiteurs. 

Même si cet argument se retrouve souvent dans les propos de la plupart des témoins interrogés, il demeure difficile à vérifier. Quoiqu'il en soit, le trafic de zébus à Madagascar ne s'explique pas simplement par les différences culturelles qui opposent les habitants du nord et ceux du sud. L'inégale répartition des ressources naturelles et des richesses sur la Grande île y est pour beaucoup. Tant que les autorités malgaches ne mettent pas en place des mesures permettant de relancer l'économie, les réseaux de trafiquants continueront de se développer. Le gouvernement n'est pas totalement indifférent au problème du trafic de zébus puisqu'en août dernier, le ministère de l'Elevage a annoncé la mise en place d'un système de fichage des bœufs, afin d'assurer leur traçabilité. 

Même si cette prise de conscience des autorités est encourageante, elle peut être accueillie avec scepticisme par la population malgache qui attend, depuis 2009, la tenue d'élections présidentielles démocratiques. C'est désormais chose faite. Il revient donc au nouveau gouvernement de mettre en place les réformes nécessaires pour mettre fin aux trafics de zébus, dans un pays fragilisé par la crise politique qui dure depuis quatre ans.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Bienvenue sur LPO et merci de votre participation. N'oubliez pas que le débat doit se faire dans la cordialité !