Pour quelles raisons David Beckham joue-t-il désormais à Paris ? Son arrivée au Paris-Saint-Germain n'a pas manqué de provoquer un débat sur ses qualités de joueur en fin de carrière et son côté people. Retour sur le parcours de la légende du foot devenue, plus qu'un emblème, une véritable marque.
Le politicologue
américain Jospeh Nye a nommé “soft power”, ou puissance
douce, la « capacité de séduire et de coopérer plutôt que de
contraindre ». Pour un pays comme la France, il s'agit du tourisme,
de la gastronomie, de la mode... Pour une équipe de football visant
à rivaliser avec la réputation de la Ville Lumière, comme le
Paris-Saint-Germain (PSG), il s'agit de David Beckham.
«Qui ne voudrait pas
jouer dans une ville comme celle-ci?» La réponse toute simple
de Beckham à la question de Michel Denisot lors du Grand Journal :
« Pourquoi le PSG ? » est plus révélatrice
qu'il n'y paraît.
Pour faire signer « Becks » dans votre équipe, il ne
faut pas seulement de l'argent (beaucoup d'argent !)
et un personnel compétent. Il faut en fait réunir les éléments
qui constituent la marque Beckham ©.
Un club de football est
le blason contemporain des villes qui en possèdent un. En témoignent
la fierté catalane liée au FC Barcelone ou encore l'indépendantisme
basque que veut montrer l'Athletic Bilbao. Le marketing est donc
d'une importance primordiale pour une équipe de football, qui
faut-il le rappeler, reste une entreprise. Ainsi, à Paris, capitale
cosmopolite de l'amour et du romantisme, la ville doit être un
terrain de jeu pour les gens riches et célèbres, dans le stade
comme en dehors. Elle doit vivre au rythme du glamour et du cossu. Le
rêve des dirigeants du club est donc de conjuguer le
talent footballistique à la gloire people dans le vestiaire.
L'arme parfaite
Il semble que Nasser
Al-Khalaïfi, le président et propritétaire du PSG, a trouvé
avec David Beckham l'arme parfaite combinant les deux
facettes. Le célèbre ailier droit présente le formidable avantage
d'apporter avec lui un fan club
international. Certes, les adeptes du
foot respectent la légende, mais tous les
autres connaissent au minimum le personnage et admirent son
allure. Avec 33 millions d'euros de contrats publicitaires cette
année, notamment avec Adidas et H&M, il est normal qu'on le voit
un peu partout. Mais ce n'est pas tout ! La marque Beckham©
a son arme fatale : Victoria et les enfants. Une famille
parfaite, née de la célèbre Spice Girl et d'un
footballeur-mannequin. Ensemble, ils sont les icônes d'une
génération.
La famille Beckham, icône d'une génération (de g. à d. : Cruz David, Romeo, Brooklyn et Victoria. Absente : la benjamine Harper Seven.) |
Maintenant, il ne
faudrait en rien diminuer le talent du stratège et habile tireur de
coups francs. Il totalise 115 sélections en équipe d'Angleterre et
plus de 500 matchs en championnat dans des clubs prestigieux comme
Manchester United et le Real Madrid. Il a aussi été nommé cinq
fois meilleur passeur de la Premier League anglaise, un
honneur non-négligeable.
Une question subsiste
néanmoins. Comment vieillir
en beauté dans une carrière sportive ?
Les jeunes prodiges viennent continuellement voler la vedette et
remplacer les plus âgés... Comment, même en gardant le talent et
la forme, préserver la gloire et l'exclusivité ? Regardons comment
David Beckham s'y est pris.
La phase d'exportation
Le faste des tapis rouges
a d'abord convaincu Beckham et sa famille de s'installer à Los
Angeles en 2007, après
sa période madrilène, au grand bonheur de la Major League
of Soccer (MLS), la ligue professionnelle nord-américaine. Il
était l'instrument parfait pour populariser le « soccer »
aux États-Unis et au Canada, où le
foot reste un sport européen. Une étoile à Hollywood, quoi de
mieux pour relancer un sport toujours plus populaire depuis le
mondial de 1994 dans le pays de l'Oncle Sam, mais encore à la
traîne par rapport au basketball, baseball ou football américain.
David Beckham a remporté deux titres MLS alors qu'il jouait avec le L.A. Galaxy. |
Après le Los Angeles Galaxy, le nouveau point de chute pour « Becks » sera l'Italie, pays accablé par l'instabilité politique et une crise économique sans merci. La Série A (première division italienne) est depuis 2006 entachée par un scandale d'arbitres corrompus, l'affaire dite du Calciopoli. Les clubs les plus célèbres d'Italie, comme le Milan AC et le Lazio de Rome, ont été condamnés pour fraude et pénalisés au classement, tout comme la Juventus de Turin, reléguée, elle, en Série B. Pour sortir du marasme, le Milan AC, propriété du baron des médias Silvio Berlusconi (alors président du Conseil des ministres italien), croit bon de faire appel à Beckham.
Fait-il venir la marque
ou le joueur ? Disons que malgré son talent certain, il est d'avis
général que les plus belles années de Becks sont derrière-lui. De
plus, Milan abrite deux clubs de calibre mondial (l'AC et l'Inter)
qui attirent à cette époque les
meilleurs joueurs du monde (Kaka, Ibrahimovic, Seedorf, Ambrosini)
grâce à la masse salariale la plus conséquente d'Italie (160
millions d'euros en 2010-2011 pour l'AC Milan). Parallèlement
au football, Milan reste la
capitale mondiale de la mode et jouit d'une visibilité médiatique
renforcée par les moyens de Berlusconi. Il faut faire se dresser les
foules malgré la torpeur générale, du stade San Siro à la place
Duomo. Les éléments nécessaires étant réunis, Beckham, profitant
de la longue trêve hivernale aux États-Unis, signe un
contrat de six mois en 2009 et le renouvelle en 2010. Le résultat
est immédiat, rappelant que La Botte attirait toujours la
crème de la crème. Son passage sportif est un
succès et Beckham montre, malgré les critiques contre son attitude
mercenaire, qu’il a encore le talent pour jouer dans les grands
clubs d’Europe.
Beckham à son arrivée au Milan AC, en 2009. |
D'ailleurs, le Milan AC de l’époque était entraîné par Ancelotti et managé par Leonardo, un tandem entre temps parti pour le PSG, où le périple de Beckham continue. Mettons-nous un instant dans les chaussures du nouveau propriétaire du PSG, le magnat qatari Nasser Ghanim al-Khelaïfi. Vous achetez un club loin des superpuissances de la planète foot et vous y ramenez le succès grâce à une impressionnante palette de superstars (Ibrahimovic, Alex, Thiago Silva, pour n'en nommer que trois). Dès lors, vous vous mettez les fans dans la poche. Mais, au Qatar, vous possédez des chaînes de télévision et vous savez que s’approprier les fans, ce n'est pas assez. Il faut créer un mythe, que le PSG soit sur toutes les lèvres dans la Ville Lumière. Que cette même Ville Lumière devienne la ville PSG ! Que faites-vous ? Vous ne pouvez pas vous limiter à Paris, ni à la France. Même l'Europe ne suffit pas à vos ambitions. Le foot est un sport international et Paris est une ville du monde. Il faut actionner des leviers internationaux et multidimensionnels, user de ruse et de soft power. Il faut Beckham ©.
Nicolas PELLETIER
Perspicace!
RépondreSupprimer