C’est une femme. Elle est blonde. Elle dirige un pari d’extrême droite qui fait parler de lui depuis des années et qui a réalisé des percées notables au cours des dernières élections législatives. Non, il ne s’agit pas de Marine Le Pen mais de Siv Jensen, cette femme de poigne qui dirige le Parti du Progrès (FrP) depuis qu’elle a succédé à Carl Hagen en 2006. Son visage radieux ne cesse de s’afficher dans les journaux scandinaves depuis que la droite a remporté les élections législatives le 9 septembre dernier. Jens Stoltenberg, premier ministre travailliste (AP), s’est vu contraint de remettre sa démission au roi Harald V après l’échec de son parti qui n’a réuni que soixante-quinze mandats, contre quatre-vingt-treize pour le bloc de droite. Le FrP de Siv Jensen parvient quant à lui à réunir vingt-cinq sièges. Un score inférieur à celui réalisé en 2009, année record pour le parti populiste (quarante-et-un mandats), mais suffisant pour imposer à Erna Solberg, tête de file du parti conservateur Hoyre , un gouvernement de coalition avec le centre-droit et le FrP. Pour la première fois, l’extrême droite norvégienne s’invite dans l’exécutif avec pas moins de sept ministres.
Siv Jensen (centre) reste omniprésente dans les journaux norvégiens. Ici dans le Dagsavisen du mardi 28 octobre.
Une fille spirituelle
de Margaret Thatcher et Ronald Reagan
Si son parti n’a toujours pas remporté d’élections – ce qui ne saurait tarder selon elle –, Siv Jensen se réjouit de ce résultat puisqu’il lui permet de disposer d'un crédit suffisant pour peser sur la politique de son pays. Le 16 octobre 2013, elle décroche le portefeuille capital du Ministère des Finances. Pour cette diplômée de la Norwegian School of Economics, il s’agit tout d’abord de mettre en place sa conception de l’économie. Depuis son engagement avec le FrP en 1988 (après un passage éclair au sein des jeunesses du Hoyre), Siv Jensen a toujours combattu la conception social-démocrate qui prévalait dans les pays nordiques, à savoir la prédominance de l’Etat-providence. Fille spirituelle de Margaret Thatcher et Ronald Reagan, elle dénonce ce qu’elle considère comme la mauvaise gestion d’un Etat devenu Léviathan. Conjointement avec les responsables de Hoyre, elle s’est engagée à des baisses d’impôts conséquentes qui, selon elle, renforceront la compétitivité des entreprises norvégiennes. Elle souhaite également réformer en profondeur le domaine de la santé – pourtant porté aux nues par le reste de l’Europe – afin de mettre un terme au monopole étatique. Pour Siv Jensen, la libéralisation du marché de la santé et la réduction des impôts s’inscrivent dans une démarche libertarienne : individus et entreprises sont les seuls à même de décréter ce qui bon pour eux.
Immigration et lutte contre l’Islam, topos de l’extrême-droite européenne
Le second pilier du programme du FrP de Siv Jensen, c’est le durcissement de la politique d’immigration en Norvège. En 2009, la dirigeante d’extrême-droite s’était illustrée lors d’un discours devant la chambre des Communes britannique. Elle avait alors déclaré que la Norvège « avait beaucoup à apprendre des Britanniques mais que, concernant la politique d’immigration, […] la Grande-Bretagne avait totalement échoué ». Malgré le fait que, selon l’institut statistique SSB, seulement 1,7% de la population était issue de l’immigration en 2012, Siv Jensen critique une gestion laxiste et naïve de la gauche norvégienne. Elle dénonce le manque d’intégration d’une partie de la population immigrée ainsi que le contrôle insuffisant des flux d’entrée illégale sur le sol norvégien. Sans surprise, ce combat contre l’arrivée de migrants s’accompagne d’un autre topos cher à tous les partis d’extrême-droite en Europe : la lutte contre ce que Siv Jensen appelle snikislamisering soit l’équivalent norvégien de « l’islamisation rampante ». Elle s’en prend à l’islam radical qu’elle considère comme la couverture d’une politique d’asservissement de la femme. Politique bien entendu profondément opposée à l’égalité des sexes qui caractérise la société norvégienne. Reste que, dans le discours populiste revendiqué par Jensen, la distinction entre un islam modéré et un islam radical n’est pas toujours évidente. Les musulmans norvégiens, qui constituent la première minorité religieuse d'un pays majoritairement protestant, doivent parfois avoir les oreilles qui sifflent devant la rhétorique du FrP.
Un penchant atlantiste marqué
Dans la veine de la lutte contre l’intolérance religieuse, Siv Jensen réaffirme régulièrement le soutien de FrP à l’allié américain au sein de l’OTAN. La présence des troupes norvégiennes, aux côtés des marines américains, en Afghanistan s’inscrirait dans le cadre d’« un combat pour la liberté » qui serait « le plus important de l’histoire moderne » face au rigorisme des talibans. Sans surprise, elle clame également haut et fort son soutien à l’Etat d’Israël ; notamment dans sa lutte contre la Hamas palestinien. Après un voyage à Sderot en 2008 où elle fut témoin d’une attaque menée par l’organisation islamiste, elle s’oppose à la décision du gouvernement de Jens Stoltenberg de reconnaître son existence. Elle déclare alors que l’« on ne négocie pas avec des terroristes, jamais »
Siv Jensen semble donc avoir réussi à imposer l’extrême-droite comme un force incontournable de la politique norvégienne. Etre une femme aide sans doute à adoucir le message populiste et parfois xénophobe du FrP. L’extrême-droite norvégienne n’est pas la seule à avoir compris cela. A travers l’Europe, de nombreux partis de la droite nationale-populiste ont désormais intégré des femmes à des postes stratégiques : le Front National de Marine le Pen, le Jobik (Hongrie) de Krisztina Morvai ou encore, jusqu’en septembre 2012, le Parti du peuple danois de Pia Kjærsgaard.
De Trondheim, Hugo Berriat.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenue sur LPO et merci de votre participation. N'oubliez pas que le débat doit se faire dans la cordialité !