Fermez les yeux et imaginez-vous quelques instants dans une ville couverte de pancartes et d’affiches électorales représentant des animaux aussi variés qu’incongrus. Non, vous n’êtes pas dans un parc à thème. Non, vous n’êtes pas non plus en train de lire un extrait de la Ferme des Animaux de George Orwell, où les cochons Napoléon et Boule de Neige règnent sur le reste des animaux. Cette vaste coalition animale est en fait la seule bouffée d’air frais d’une campagne politique bien terne pour les élections locales mexicaines du 7 juillet.
Plusieurs villes ont déjà proposé
des candidats disons… « différents » à ces élections locales. La ville de Xalapa,
capitale politique de l’État de Veracruz a en effet vu le candigato [jeu de mots rapprochant gato (chat) et candidato (candidat), ndb] Morris trônant
fièrement sur des photos dignes des plus grands politiciens. Le
« candichat » a même déjà près de 130 000 admirateurs sur Facebook.
Le phénomène prend tellement de poids que les dirigeants de
l’État s’inquiètent de voir des votes se perdre réellement dans ces abîmes de
l’absurde. Comme quoi, il ne faut pas réveiller le chat qui dort !
Une pancarte faisant l’apologie de Morris le candichat, rappelant celles de Barack Obama avant sa première élection en novembre 2008. |
Morris le chat, Can le chien, contre les rats...
Morris le chat n’est pas le seul
de cette liste d’animaux impressionnante. On a, en effet, le chien de l’État de
Oaxaca (le CANdidato, Can étant l’équivalent de cabot) jappant après la lune
« Yes we CAN ». De là à croire que Morris et Can s’entendent comme
chien et chat, il n’y a qu’un pas. Ensuite, il est possible de passer du coq
(d’Aguascalientes) à l’âne (de Ciudad Juarez). Un véritable zoo visant à se
lancer ensemble dans un véritable combat de coqs contre les rats, symbole
utilisé par ces publicistes de génies afin de représenter les politiciens
véreux et corrompus. A bon chats bon rats, comme le dit l’adage. Morris
l’énonce clairement, face « à la quantité de rats voulant ce poste, seul
un chat peut rétablir l’ordre ». Le coq d’Aguascalientes, du Mouvement Citoyen,
semble sur la même longueur d’onde. Les slogans sont variés : « un
coq ne sera jamais de la même taille qu’un rat », « il vaut mieux UN
coq que MILLE rats » ou encore l’amusante image « ils veulent tous
être un coq » mettant en scène des rats à plume et à crête.
Cette véritable basse-cour
politique vient rafraîchir une campagne réellement monotone. Cette chasse aux
rats, organisée par Morris ou par le coq à Aguascalientes confirme le
ras-le-bol des électeurs face à une corruption toujours plus globale dans la
vie politique mexicaine. Le « Aguas con el gallo » slogan officiel de
José Luis Novales, candidat du Mouvement Citoyen à Aguascalientes confirme
l’importance de l’outil de l’humour et du double sens. « Aguas »
étant d’une part le diminutif du nom de la ville d’Aguascalientes, la phrase
serait donc traduisible de la manière
suivante : « Aguascalientes avec le coq ». Néanmoins, le
terme « Aguas » peut également signifier d’une manière colloquiale
attention, ce qui reviendrait à dire « Attention au coq », un message
adressé implicitement aux rats.
Une autre affiche du Movimiento Ciudadano à Aguascalientes, le texte disant "Il vaut mieux un coq que 100 rats", le rats faisant référence aux politiciens corrompus. |
« Eux ils investissent à Dubaï, nous nous apportons ici l’usine Nissan ».
Le dernier éclat politique dans
le pays date de seulement de la moitié de mois de juin et mouille l’ex-gouverneur
d’Aguascalientes, Luis Armando Reynoso [de 2004 à 2010], et son fils, Luis
Armando Reynoso Jr, que beaucoup dans la ville appelle Luis Armando Rey [Roi]. Les
deux hommes sont accusés d’avoir détourné près de 50 millions de pesos minimum,
investis notamment dans de luxueux appartements à Dubaï pour la famille. L’enquête
de la PGR [la Procuraduría General de la República] est menée au niveau fédérale, ce qui signifie que plus rien ne peut
sauver ces deux figures de la province. Un véritable tsunami politique dans
cette campagne, qui a été consenti par le président Enrique Peña Nieto.
Toutefois, ce qui aurait pu être
vu comme une grande victoire politique ne reste pour beaucoup de mexicains
qu’un arbre qui cache la forêt. En effet, les deux hommes politiques
d’Aguascalientes, du Partido de Acción Nacional, ont vu la justice s’attaquer à
eux car le président Peña Nieto, du Partido Revolucionario Institucional, n’avait
aucun intérêt à les protéger. Par exemple, les rumeurs de fraudes et de
détournements d’argent de l’ancien gouverneur de l’État de Tabasco, Andrés
Granier [de 2006 à 2012] sont sur toutes les lèvres, mais ce dernier, du PRI, le
même parti que le Président, n’a pas été inculpé. Comment est-il donc possible
de croire en l’action des politiciens que tous voient comme des fraudeurs ou
des voleurs ?
« Les ennemis de mes ennemis sont mes amis ».
Un meeting de Toño Martin del Campo, le candidat de l'étrange alliance entre le PAN et le PRD à Aguascalientes. |
Toujours est-il que la
multiplication des scandales pourrait-être à l’origine de la politique
« c’est pas moi, c’est les autres » utilisée par certains
partis-animaux. Celle-ci risque fort d’être couronnée de succès mais elle
enterre totalement le débat d’idée dans le pays. Les candidats s’empressent
tous à critiquer l’action de Reynoso dans l’État d’Aguascalientes. Les
pancartes « Eux ils investissent à Dubaï, nous nous apportons ici l’usineNissan » utilisées par les Verts croissent. Tout comme les véritables
vendettas ou règlements de compte politique, qui commencent par des alliances
contre-natures, se basant sur la machiavélique phrase « les ennemis de mes
ennemis sont mes amis ». Ainsi le PAN, classé comme étant un parti de
droite a présenté un candidat à Aguascalientes également soutenu par le PRD,
classé comme étant de gauche, afin de contrer le PRI (de centre gauche).
Imaginez en France un candidat présenté conjointement par le Front de Gauche et
l’UMP afin de barrer le PS ?
Cette campagne montre, en tout
cas, que l’échiquier politique au Mexique ne signifie à ce jour plus
grand-chose, il est difficile de différencier la droite de la gauche, l’absence
d’idées ou de débats nuit gravement à ce pays où les jeunes finissent par
vouloir voter pour un coq, chat ou chien plutôt qu’un rat corrompu.
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