C’est une parcelle de terre dans les hauteurs de l’Himalaya où rien ne pousse, hostile et inhabitable. Mais cela n’empêche pas la Chine de revendiquer depuis cinquante ans ce territoire officiellement indien. Un incident frontalier le mois dernier a ravivé les tensions entre les deux pays les plus peuplés du globe. Alors que la Chine cache mal ses velléités impérialistes, l’Inde ne compte pas se laisser faire.
Tout a commencé dans la nuit du 15 avril. Une trentaine de soldats chinois passent la frontière et établissent un camp à plus de 15 kilomètres à l’intérieur du territoire indien. Les troupes resteront près d’un mois dans cette région montagneuse inhabitée et hostile du Ladakh. Le message de Pékin est clair : les 90 000 km2 environnants lui appartiennent. Pas question de reconnaître le découpage colonial de la frontière établie par les Britanniques en 1914. Le ton monte, on craint une escalade entre les deux puissances nucléaires.
Un mois plus tard, la poussière semble être retombée. « La paix et la tranquillité à la frontière sont la fondation de nos relations bilatérales et toute perturbation aura un impact sur notre relation », disait le premier ministre indien Manmohan Singh au côté de son homologue chinois Li Keqiang le 20 mai dernier.
Mais voilà que le ministère indien de la Défense s’apprête à déployer une force de 40 000 soldats sur cette partie de la frontière.
Cinquante ans après.
Ce n’est pas la première fois que la Chine et l’Inde se disputent ce bout de territoire. Les deux pays s’étaient livré une guerre d’un mois en 1962 pour le contrôle de la région. Les Chinois avaient alors infligé de lourdes pertes à l’armée indienne avant de déclarer unilatéralement un cessez-le-feu.
Depuis, les deux pays s’accusent régulièrement d’incursion. Comme l’explique le chef d’état-major indien Vikram Singh, les troupes des deux côtés patrouillent sans trop savoir jusqu’où s’étend leur territoire respectif.
Le premier ministre indien Manmohan Singh (à droite) et son homologue chinois, Li Keqiang, le 20 mai 2012 lors d'une rencontre à New Delhi. |
C’est sous la désignation de « Tibet du Sud » qu’apparaît la région disputée sur les cartes chinoises. Mais pourquoi Pékin a-t-elle des ambitions pour un territoire où après tout, comme le disait l’ancien premier ministre indien Jawaharlal Nehru, « le gazon ne pousse pas » ? « Que le territoire soit inhospitalier ou non, ça ne change rien pour Pékin. La seule chose qui importe, c’est de savoir si la Chine considère le territoire comme sien », explique D. S. Rajan, directeur au Centre d’études sur la Chine de Chennai. Mais selon Lora Saalman, de la Fondation Canergie pour la paix internationale, c’est plutôt parce que le gouvernement chinois s’inquiète de l’activité indienne dans la région, où de nouvelles routes et pistes d’atterrissage ont récemment été construites.
Visées expansionnistes chinoises.
L’Inde n’est pas seule à subir les visées expansionnistes de la Chine, qui touchent aussi le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam et les Philippines. Mais si la Chine se montre agressive à la frontière sino-indienne, l’Inde se prête aussi au jeu. « Nous nous introduisons aussi dans des zones qui sont sous souveraineté chinoise », rappelle Srinath Raghamon du Centre de recherche sur les politiques de New Delhi au South China Morning Post. « Tant qu’il n’y aura pas d’entente sur la frontière, ces incursions continueront à avoir lieu. » Dr. Li Mingjiang, professeur à l’Institut d’études internationales S. Rajaratnam de Singapour, ajoute que les ambitions chinoises sont à l’image du changement de garde à Pékin, alors que le nouveau président Xi Jinping ne souhaite épargner aucun effort pour défendre l’intégrité territoriale du pays.
La Chine est déjà le partenaire économique le plus important de l’Inde. Les échanges bilatéraux entre les deux pays sont passés de trois milliards de dollars US en 2000 à 80 milliards en 2012. Mais l’attitude belligérante de Pékin le long de sa frontière occidentale pourrait nuire aux relations bi-latérales et pousser les Indiens à se tourner vers les États-Unis, ce que le gouvernement chinois redoute. Et Delhi n’entend pas se laisser mener par le bout du nez.
De notre correspondant à Mumbaï (Inde), Maxime Mariage.
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