La poire a été coupée en deux et on ne sait pas trop dans quelle moitié on doit croquer. Cette métaphore vient parfaitement illustrer la situation actuelle du Venezuela, après des élections mouvementées organisées pour pallier la mort du charismatique leader du pays, Hugo Chávez [voir cet article sur LPO pour lire le portrait de Chávez]. Les regards du monde entier étaient braqués sur Caracas ce dimanche 14 avril 2013, pour enfin savoir qui reprendrait en main l'héritage du Chavisme. La victoire de Nicolas Maduro, disciple du lieutenant-colonel Chávez a été si mince que les réponses sont encore plus floues que les questions elles-mêmes. Cette poire a donc un goût amer pour le camp bolivarien de Chávez, tout comme pour l’opposition, battue de peu.
Un fossé presque comblé.
La situation a radicalement changé. Lors des élections d’octobre 2012, Hugo Chávez, même
affaibli par un cancer qui causa sa mort en mars dernier, s'était imposé avec 55%
des suffrages. Une confortable avance. Or, dimanche dernier, le fossé entre les deux candidats a presque
été comblé, Nicolás Maduro (50,6%) n’ayant gagné que de 230 000 voix face
à Henrique Capriles (49,4%).
Malgré
l’énorme vide créé par la mort du leader charismatique et utilisé par Maduro
dans sa campagne électorale afin de sensibiliser le peuple, pour continuer à
marcher dans la direction du Guide, les Chavistes ont perdu plus de 4 points en six mois, face à une opposition de plus en plus pressante et
organisée. Le score est d’autant plus préoccupant que les vainqueurs ont
bénéficié d’une omniprésence dans les médias et d’une propagande subtile qui
auraient déclenchées un scandale dans d’autres pays à la tradition plus démocratiques. Le pays est donc encore plus divisé que du temps du regretté
Hugo Chávez. Ce dernier arrivait malgré tout à fédérer l’opinion
publique. Le pays est aujourd'hui divisé : avec une moitié de la population n’en pouvant plus de la démagogie, de l’attitude autoritaire et de la propagande alors que l'autre est terrifiée par la perte des avancées sociales et éducatives.
Nicolas Maduro lors de sa victoire électorale du dimanche 14 avril. |
Le résultat a été si serré que l’opposition a aussitôt refusé
de reconnaître sa défaite en appelant à un recomptage des voix et dénonçant près
de 3 000 irrégularités, une option considérée par les États-Unis comme
prudente et nécessaire. L’appel de Capriles au Cacerolazo [expression se référant aux manifestations où la foule essaye de faire le plus de bruit en tapant sur divers objets, comme les casseroles] et à manifester devant le palais de Miralflores [le palais présidentiel] pour exposer la force de la protestation ne changera pas la donne. Maduro
restera président, malgré les accusations de fraudes électorales. Les huit morts qui ont eu lieu lors de ces manifestations, venant des deux camps, illustrent le danger de voir le pays sombrer dans la violence.
Un projet bâti sur les poussières du chavisme.
L’attitude belliqueuse de Maduro n'a pas contribué à unir
le pays. Le disciple de Chávez n’a pas hésité à dénigrer l’opposition lors des
élections, allant jusqu’à qualifier Capriles et ses partisans de descendants
d’Hitler ou affirmer que le cancer de Chávez a été commandité par ses
adversaires. Tout cela est une aberration politique. En effet, alors que Capriles portait le regard vers la réconciliation nationale après tant de haine pendant
les mandats de Chávez. Son opposant, lui, bâtissait son projet sur les
poussières du Chavisme, ces vieux châteaux de sable dévastés par la crise
économique qui touche le pays et qui ravage le budget de la classe moyenne. Ni solution différente de celles évoquées par Chávez, ni réforme
drastique de l’économie, ni plan clair pour dépenser l’argent
du pétrole afin de moderniser le pays ; seule une critique
dure envers une frange de la population déjà très stigmatisée. La victoire de
Maduro va donc lui donner beaucoup plus de pain sur la planche que les
élections elles-mêmes, bien qu’elles aient été si difficilement remportées.
Il lui faut
maintenant réconcilier un peuple qui a déjà vu la couleur du
sang seulement vingt-quatre heures après les résultats. Il lui faut également se retrousser les manches afin de retrouver sa santé
économique du pays, totalement asphyxiée après le règne de Chávez. Bien que le leader
bolivarien, grâce à l’argent du pétrole, ait réussi à scolariser de nombreux
jeunes tout en développant un programme d’aide aux soins élémentaires et en
modernisant les hôpitaux, l’économie reste le vilain
petit canard de sa politique. Par ailleurs, la corruption est telle que même Jorge
Giordani, ministre des finances, a avoué pendant la campagne que les pots de
vin [regaladera : profusion de
cadeaux] étaient monnaie courante les années précédentes. Et ce n’est pas tout : le Venezuela souffre d'une dette
supérieure à 60% de son PIB (environ 200 millions de dollars), ce qui est
inacceptable pour le onzième producteur de pétrole et un pays disposant des
secondes réserves plus importantes du globe. Le Venezuela doit sa vie au
pétrole mais ne sait pas investir les revenus qui viennent de cette denrée dont
la fluctuation du prix est un danger quotidien.
Les partisans de Maduro pendant un meeting de campagne. |
Des résultats économiques désastreux à la division totale du pays.
Grâce aux ressources pétrolières,
Caracas a un poids géopolitique important et peut aussi importer beaucoup de
denrées. Mais, c’est ici un risque fort de dépendre des investissements étrangers,
car l’industrie locale décline. La dévaluation de la monnaie est à l’origine
d’une inflation de plus de 30% qui joue sur la hausse quotidienne des prix et
qui isole donc une certaine classe. Cette crise économique a ainsi multiplié le nombre de nécessiteux et
est surement la genèse de l’insécurité croissante. Les statistiques sont éloquentes. Caracas est devenu depuis quelques temps la capitale la plus dangereuse
au monde, devant des villes à la réputation sulfureuse comme Bogota, Rio de
Janeiro ou Cali.
Le mauvais résultat économique et
sécuritaire de Chávez avait été critiqué par l’opposition lors des élections
gagnées par le feu lieutenant-colonel mais sa prestance et la confiance
contagieuse qu’il parvenait à donner à son peuple l’ont sauvé d’une défaite. Cependant,
une fois Chávez décédé, la tâche de Maduro, son successeur désigné, était plus
difficile. Impossible pour lui d’attaquer le bilan économique de son mentor. Il
s’est donc tourné vers l’attaque frontale contre l’opposition, qui, elle, avait
organisé un programme économique ambitieux. La victoire de Maduro a donc un
goût amer, les déclarations de Diosdado Cabello, l’autre prétendant qui voulait être
calife à la place du calife, se veulent sévères contre Maduro et montrent les
tensions dans le camp chaviste [Cabello a poussé Maduro à se livrer à "une profonde autocritique"]. Ce problème, lié au vide laissé par Chávez, est le classique des puissances ayant un pouvoir basé sur la personnalité et de type
autoritaire. Les enjeux qui découlent de cette élection sont donc multiples,
Maduro se doit réellement de tendre la main à l’autre moitié du pays sous peine
de se voir déchu du pouvoir lors du référendum de mi-mandat, voire même, dans
un scénario catastrophe à entraîner une situation instable accompagnée de coup d’État ou de guerre civile.
Vision eclaircissante de la situation politique au Venezuela bien que celle ci soit elle meme confuse et delicate voire insupportable pour le peuple venezuelien
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