2 avril 2013

L'étrange absence des clubs anglais en Champions League.


Un. La statistique est difficile à croire. Un, rien de plus, c’est le nombre de joueurs anglais qui vont participer aux quarts de finale de la Ligue des Champions de football, la plus prestigieuse des compétitions de club. David Beckham, le milieu « glamour » du Paris Saint Germain sera le dernier soldat de la Perfide Albion sur la scène européenne.

Pour la première fois depuis l’édition 1997, c'est-à-dire depuis 16 ans, la compétition n’accueillera aucun club d’outre-Manche, et cela après la victoire surprise de Chelsea en 2012, un arbre qui cachait la forêt. Comment expliquer la fucking disgrace [pour reprendre les termes de Didier Drogba, ancien attaquant de l'équipe anglaise de Chelsea lors de l'élimination du club de Londres contre le F.C. Barcelone en 2009] du pays inventeur du football, qui a notamment placé 3 clubs semi-finalistes sur 4 possibles de 2006 à 2009 ?

L'explication altermondialiste ?

Comme tout le monde le sait, le football est devenu un sport mondial. L’impact est tel que des entreprises et même des pays ont misé sur ce sport pour s’offrir une publicité mondiale [comme le Qatar, pays aux ressources énormes, omniprésent sur la scène du football avec l’achat de clubs du Vieux-Continent comme le PSG, Malaga ou Manchester City et le futur organisateur de la Coupe du Monde en 2022].

Le championnat anglais est une vitrine tellement importante que les gens du monde entier connaissent sûrement plus les noms des équipes phares de la Premier League que celui du Premier ministre actuel de l’île. Les investissements sont multiples ce qui permet aux clubs de disposer de larges fonds pour renforcer leurs équipes [Chevrolet a par exemple acheté le droit de figurer sur le maillot de Manchester United à partir d'août 2013 pour 559 millions de dollars, un record. De plus de nombreux clubs ont pour gérants des étrangers, comme Chelsea (Russie), Manchester City (Qatar), Manchester United et Liverpool (Etats-Unis), Fulham (Egypte)...]. Néanmoins, à la manière de ce que peuvent penser les altermondialistes, cette réputation internationale dans un monde de plus en plus globalisé pourrait être un point négatif pour la Barclays Premier League.

Le tableau des équipes qualifiées pour les 1/4 de finale de la Champions League sans aucun club anglais (3 équipes espagnoles, 2 équipes allemandes, 1 équipe italienne, 1 équipe française, 1 équipe turque).


L’Internazionale de Londres ?

En effet, nous pouvons nous demander tout simplement si la médiatisation du championnat anglais n’est pas trop importante, ce qui tenterait les clubs à recruter des joueurs venants des 4 coins du monde mais qui d’un côté les pousserait à laisser de côté la formation des jeunes anglais. Les exemples qui font de ces équipes des formations totalement internationales sont multiples. Les nationalités des effectifs des clubs le prouvent, le tour du monde en 20 équipes, de l’Équateur aux États-Unis, en passant par l’Australie, la Russie ou le Japon. Ce pluralisme a un but lucratif, celui d’inciter les pays « exotiques » à s’intéresser aux clubs où leurs concitoyens jouent, notamment les pays d’Asie, où la popularité de l’English Premier League est à son zénith.

Le mercenariat footballistique devenu mondial crée cependant un problème de taille pour la Premier League. Comment intégrer leurs jeunes pousses nationales dans des effectifs composés d’une pléiade d’étoiles internationales. Ainsi, la conséquence est directe sur les résultats de la sélection nationale de Three Lions de l’Angleterre, vierge de tout succès international depuis 1966 et rarement visible sur les podiums des compétitions de jeunes. Le fait de laisser jouer des joueurs venus au club de l’étranger et qui vont, le plus souvent, partir vers d’autres cieux dès que les vents auront tourné n’est donc pas le choix le plus judicieux.

Ce « jour des cadeaux » destructif

La Barclays Premier League plait également grâce à une tradition propre, celle de ne pas faire de pause pendant l’hiver, ce qui enchante les spectateurs du monde entier qui, contrairement aux autres grands championnats européens, n’auront pas à attendre une quinzaine de jours pour voir jouer leurs protégés, et ce qui permet aux clubs de récolter des droits télés colossaux. Cette tradition du Boxing Day [jour des cadeaux] du 26 décembre veut que les clubs offrent à leurs fans la possibilité de communier avec eux lors d’un match de championnat, il est donc hors de question que les organismes des footeux se reposent pendant cette période. Les joueurs ont par exemple dû jouer 4 matchs du 23 décembre au 1er janvier, destructif pour des sportifs.

Autre point difficile à négocier pour les équipes, celui des coupes nationales. Il est en effet impensable de faire l’impasse sur la FA Cup, coupe d’Angleterre et doyenne des compétitions mondiales de football [elle a vu le jour en 1871]. Or cette compétition a une règle très spécifique qui est également une des raisons possibles d’une baisse de régime des clubs anglais en février : celle du replay, qui veut que le match soit rejoué si le résultat est nul, ce qui peut donc multiplier les affrontements.

Conjuguée à cette coupe mythique, les Anglais doivent également jouer la Capital One Cup, coupe où un nombre plus réduit de clubs peuvent participer, là où les championnats concurrents comptent seulement une coupe nationale [La Liga espagnole, la Bundesliga allemande et la Série A italienne].

Harry Redknapp lors de son arrivée au club de Queens Park Rangers, très critique envers le football de son propre pays.

Formation, mon amour

Sur le plan purement footballistique, d’autres thèses peuvent expliquer cette triste baisse de régime des clubs anglais sur le plan continental. Le technicien britannique Harry Redknapp [actuellement entraîneur de Queens Park Rangers, après des passages réussis à West Ham, Portsmouth et Tottenham], vieux briscard du football d’outre-Manche analyse d’une manière directe l’échec des Anglais dans la plus prestigieuse des coupes européennes. Il affirme que « La Liga est meilleure que la Barclays Premier League, et que la Bundesliga la rattrape à pas de géant ». Inutile de rappeler que la première citée a placé 3 clubs en ¼ de finale de la Champions League [Malaga, Barcelone et le Real Madrid] et que la seconde en a placé 2 [le Bayern Munich et le Borussia Dortmund].

Pass, pass and pass versus Kick and rush

Selon l’entraîneur la raison est simple : « La Barclays Premier League est surement la Ligue la plus excitante au monde, mais en parlant de qualité de jeu les Espagnols sont meilleurs, tout simplement car ils ne jouent pas comme nous, ils ne jouent pas en lançant le ballon de leurs camps sans construire ». Ce qui est, selon lui, une erreur née de la formation des jeunes anglais, qui ont, toujours selon Redknapp, pour mission « de gagner, peu importe la manière. Si nous voulons redevenir les plus compétitifs il faut aussi demander à nos jeunes qui jouent le dimanche de passer, passer, passer et encore passer ». Le duel de la tradition sur la modernité est donc en jeu, une solution qui pourrait remettre sur les rails des équipes anglaises éloignées des plus grandes écuries continentales cette année.

Cependant, malgré une saison mitigée au niveau européen il est difficile d’affirmer totalement que les Anglais restent en retard sur les autres équipes du continent. Le carton rouge polémique pour Manchester United contre le Real Madrid en 1/8 de finale de la Ligue des Champions aurait peut-être changé la donne, et donc renvoyer cet article dans les cordes. Tout comme une possible saison 2013-2014 de haut niveau en Champions League de la part des équipes de la Perfide Albion qui pourrait éteindre une polémique qui n’aurait plus lieu d’être.  

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