23 mars 2013

Le Salon du Livre de Paris accueille la Roumanie.


De la Roumanie, surgissent les échos des Daces et des conquêtes romaines, de Bucarest et de son rayonnement culturel, de sa bourgeoisie francisée et de ses nombreux penseurs. De Roumanie, nous viennent les images d’une terre irriguée par le Danube, bordée par les Carpates, d’une mer Noire qui vit vieillir Ovide sur ses rivages et d’un dictateur qui mourut sous les coups d’un peuple fatigué par un demi-siècle d’une dictature qui n’avait de populaire que le nom. De ces terres, aux confins et aux portes de l’Europe, à la fois lointaines et proches, l’occidental retiendra la langue latine pour sûr, les conquêtes de Trajan et Ionesco peut-être.

Il est étonnant de voir que de la Roumanie, ce pays si riche en écrivains et en artistes, ne surgisse chez nos compatriotes aucun écho de ce que fut et de ce qu’est encore une littérature foisonnante et ouverte sur le monde. S’il n’en fallait citer qu’une poignée, l'on mentionnerait Ionesco, Cioran et Noica. S’il en fallait citer d'autres l’on avancerait le nom de Mircea Eliade, l’on prononcerait celui de Tzara. Si le Prix Goncourt avait une mémoire –ce qu’il a cessé d’avoir il y a fort longtemps– l’on se souviendrait de Vintilă Horia, cet écrivain qui parla de l’exil, de l’amour et d’une terre qui, même lointaine, continuait de lui suggérer des récits. 

Pour avancer une raison à cet oubli collectif, à cette ingratitude de l’histoire littéraire sans précédent en Europe, il convient peut-être de faire cette simple observation : les écrivains roumains sont des conteurs qui ont le langage pour langue et le monde pour imaginaire. Lorsqu’un écrivain roumain écrit dans sa langue natale, dix derrière lui écrivent en français, vingt vivent à New York et quarante chantent l’Europe. Cioran écrivit ses œuvres les plus importantes en français, Horia fut primé pour sa maîtrise exceptionnelle de notre langue et Tzara réussit l'exploit de modifier durablement le paysage artistique français en moins d'une décennie. Voilà pourquoi, pendant très longtemps et encore aujourd’hui, l’on attribua peu d’auteurs à la Roumanie et l’on en ignora la littérature.


Il n’en est pas de même des jeunes générations présentes à ce 33e salon du livre de Paris. Ce sont des écrivains qui, loin de trouver un refuge dans un Paris cosmopolite, sur une terre qui n’est pas la leur et dans une langue qui ne les a pas vus grandir, nous parlent de leur pays, sont à la recherche d’une certaine identité collective et aiment à se perdre dans les méandres d’une culture nationale qu’ils louent et qu’ils ridiculisent tour à tour. Ce sont Mircea Cartarescu, Petru Cimpoesu, Ana Blandiana, Nicoleta Esinencu ou encore Florina Ilis. Ce sont des écrivains à cheval entre un passé qu’ils cherchent à comprendre et un présent dont ils dénoncent bien souvent les travers. Entre un passé totalitaire et une société contemporaine vouée à un libéralisme parfois destructeur et qui s’est imposé trop vite, ils s’ingénient à construire et reconstruire une certaine identité nationale. Entre l’absurde de Ionesco et la lucidité tragique de Cioran, entre Histoire et Utopie et Le Solitaire, ils s’inventent de nouveaux ciels littéraires, à leur image cette fois. 

En ce sens, l’invitation de la Roumanie au Salon du Livre est à la fois un hommage à la forte tradition francophone de ce pays et un applaudissement aux jeunes et moins jeunes écrivains qui nous parlent d’une culture qui est aussi la nôtre, d’une culture européenne. Comme nous exhorte à le faire Cristian Mungiu, étoile montante de la nouvelle vague du cinéma roumain : ne zappez pas, prenez un livre.

3 commentaires:

  1. De la Roumanie, surgissent les échos ... de son aristocratie russophone

    Anais, vous hallucinnez grave

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  2. Au cas où vous n'avez encore rien compris, ce que je redoute fort d'ailleurs, sachez chère Anais qu'au grand jamais aucune categorie sociale ou autre en Roumanie n'été russofone

    Roumain

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  3. Merci pour votre commentaire. J'avais lu cela dans un livre et à moi aussi cela m'avait paru très bizarre, je suis donc contente que vous me le confirmiez, je vais pouvoir retirer cela de l'article.

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