Luis Fabini naît en Uruguay,
à Montevideo, en 1965. Son père étant diplomate, il passe son enfance à voyager
entre le Pérou, le Brésil, l’Argentine, la Belgique, la France et les
Etats-Unis et revient chaque été au pays natal, où il découvre la vie en estancias et où il apprend à monter à
cheval. Il fait pour la première fois l'expérience de la photographie à l’âge de sept ans lorsqu'il entreprend de traverser la cordillère des Andes avec son père. Son éveil à la photographie se superpose en réalité étroitement à sa trajectoire personnelle et se conçoit comme une différentes étapes qui l’amèneront à de successives remises en question de son mode de
vie et à des questionnements plus existentiels.
A vingt ans, Luis Fabini est
guide de montagne. Dix ans plus tard, il commence à travailler dans le milieu
publicitaire et de la mode. A 35 ans, il divorce, son père meurt et il quitte
son travail, qui ne le satisfait pas. Commence alors une période consacrée à l'étude de soi et aux rapports qu’il entretient avec le monde. Luis
Fabini, à cet âge, pourrait s’écrier comme Jules Laforgue dans ses poèmes de
jeunesse :
[…]
Et devant ces mystères
Je
reste là, stupide, interrogeant tout bas,
Tandis
qu’autour de moi la foule de mes frères
Va,
pleure, espère, et meurt ! Mais ne s’étonne pas !
Mais
moi je veux savoir ! Parlez ! Pourquoi ces choses ? [1]
Luis Fabini © |
Il passe ensuite cinq ans aux côtés d'un maître zen japonais, Moriyama Roshi, à le suivre dans ses travaux et exercices. Il s’agit alors, pour Luis Fabini, de se recentrer sur lui-même et sur ses aspirations, après une période de sa vie où il ne s'est pas accompli. De cette quête initiatique, surgit peu à peu le projet Vaqueros de América (Horsemen of the Americas).
In
the United States and Canada these horsemen are known as cowboys, in Mexico
they are known as Charros, in Ecuador as Chagras, in Colombia and Venezuela as
llaneros, in Peru as Chalanes, in Chile as Huasos, Brazil has its Pantaneiros
ans Vaqueiros and in Argentina and Uruguay, they are the Gauchos[2].
Un projet photographique de grande envergure.
De retour en Uruguay, et au
contact de plus en plus prolongé avec les gauchos,
il décide de suivre au plus près le mode de vie de ces vachers du bout du
monde, allant jusqu’à partager leur vie pendant des mois. Il s’habitue à leurs
coutumes et s’attache à faire transparaître la vie parfois rude
de ces cavaliers dans ses photos. « C’est une étude systématique de l’homme à cheval, de
l’homme qui travaille à cheval depuis la Terre de Feu jusqu’en Alaska. Mon
œuvre aspire à montrer la vie austère et digne de ces hommes qui se sentent
fiers d’être vachers. ». Ainsi définit-il son projet dans une entrevue
accordée en 2007 à Eduardo Paz Carlson.
Luis Fabini © |
Ce qui étonne, de prime abord,
lorsque l’on regarde les différents clichés pris par l’artiste, c’est peut-être
l’unité du sujet. Il n’est pas une seule photo qui ne représente « l’homme
à cheval », pas une qui ne cherche à en faire le portrait. Il est rare de
voir un artiste contemporain se centrer sur un seul thème et se consacrer, année
après année, à en délimiter les contours et à en fixer les formes. La force du
travail entrepris par Luis Fabini réside donc avant tout dans cette
circonscription de l’objet représenté qui, dès lors, gagne en expressivité et
en profondeur.
Cette profondeur dans le sujet
abordé est également rendue possible par la technique utilisée par l’artiste. Luis
Fabini accorde beaucoup moins d’importance au sujet qu’à
l’objet. Pour lui, importe avant tout de donner à voir une réalité que le
spectateur puisse appréhender sans ressentir la marque du photographe, les
effets utilisés ou la subjectivité sous-jacente. Son travail consiste alors à réussir à effacer peu à peu cet écran qui existe entre l’objet
et le spectateur et qui se trouve être le regard du photographe. Le fait qu’il
prenne le plus souvent ses photos à cheval et qu’il cherche à partager un modus
vivendi avec les gauchos , fait partie d’un modus operandi qui aspire à
l’effacement de la subjectivité de l’artiste.
Luis Fabini © |
De
la photographie et de l’intentionnalité de la photographie.
Ces photographies rappellent les tableaux de Juan Manuel Blanes ou d’Enrique Castells Capurro
mais s’insèrent néanmoins dans un contexte social tout à fait différent. Cette
étude systématique de « l’homme à cheval » est en effet, chez Luis
Fabini, l’étude d’un monde en train de disparaître. Les quelques clichés en
couleur nous rappellent que ces hommes aux visages fatigués et aux mains
calleuses nous sont contemporains, contrairement aux nombreux clichés en noir et blanc qui donnent au
spectateur une toute autre impression. L’intention de l’artiste est alors de
préserver cette culture et ces traditions par le biais de la photographie. « Je
crois qu’il faut sortir de l’oubli et appréhender avec sérieux cette culture
vachère dont les citoyens ont beaucoup à apprendre », nous dit-il dans l’entrevue
citée précédemment.
L'anthropologue Daniel Vodart a très bien exprimé cette intentionnalité mémorielle et fixative de la
photographie de Luis Fabini. Il a d'ailleurs commencer le prologue au livre Gauchos en ces termes : « La
fotografía ha cumplido, en su corta y deslumbrante historia, que no alcanza los
dos siglos, la función de congelar al tiempo en el espacio.[…] Captó y detuvo el movimiento de las manos y de los cuerpos, pudo dar testimonio visual de la crispación o serenidad de los rostros durante las horas de trabajo o
descanso, de alegría o pesadumbre, de felicidad o desgracia. Logró lo que el Doctor Fausto, según Goethe,
le pedía al minuto fugaz: “Detente, cuan bello eres”.[3]»
Luis Fabini © |
Le photographe a pour projet
de publier plusieurs tomes qui réuniront les différentes photos qu’il a pu
prendre durant ses années d’errance sur le continent américain. Les milliers de
photos que constituent pour lors ses archives personnelles rempliront donc
bientôt 12 tomes, chacun d’entre eux consacré à un typé spécifique de vachers. A
terme, l’ensemble de son œuvre (photos, entrevues, ouvrages critiques, revues
de presse) sera rassemblé en un fond dans une Fondation à New York, dont les
bénéfices seront reversés à des projets éducatifs concernant les écoles rurales
d’Uruguay et du reste de l’Amérique.
[1] Jules
Laforgue, Le sanglot de la terre,
1880.
[2] Citation
extraite d’une vidéo de l’artiste synthétisant la portée de son
travail et de ses inspirations [« Aux Etats-Unis et au Canada, ces vachers
sont appelés cowboys, au Mexique Charros, en Equateur Chagras, en Colombie et au Vénézuela llaneros, au Pérou Chalanes, au Chili Huasos,
au Brésil Vaqueiros et en Argentine
et en Uruguay ce sont des Gauchos »].
[3] « La photographie a rempli,
pendant sa courte et fulgurante histoire, qui n’excède pas deux siècles, la
fonction de fixer le temps dans l’espace. […] Elle a capté et arrêté le
mouvement des mains et des corps, elle a pu donner un témoignage visuel de la crispation
ou de la sérénité des visages pendant les heures de travail ou de repos, de
joie ou de tristesse, de bonheur ou de malheur. Elle a réussi ce que le Docteur
Faust, selon Goethe, demanda à la minute furtive : "Arrête-toi, tu
es si belle !" »
excelente el trabajo y el proyecto del fotógrafo uruguayo Luis Fabini, felicitaciones!!!!
RépondreSupprimerExquisito Fabini, congrats!
RépondreSupprimermagnifique!!!!!!!!!
RépondreSupprimerÇa fait plaisir de regarde ces photos et de lire c´est trés bon article
RépondreSupprimermuy buena entrevista a un excelente fotógrafo
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