27 février 2013

En Côte d'Ivoire, la CPI s'apprête à décider du sort de Laurent Gbagbo.


Au début de l'année 2011, la Côte d'Ivoire est secouée par une importante crise politique, née de la contestation des résultats des élections présidentielles du 28 novembre 2010. Scindé en deux camps qui s'affrontent, le pays bascule dans une guerre civile qui ne s'achève qu'en avril 2011, avec l'arrestation de Laurent Gbagbo, l'ex-président ivoirien. Emprisonné depuis deux ans à La Haye (Pays-Bas), il est accusé d'être le « co-auteur indirect » de crimes de guerre et crimes contre l'humanité perpétrés durant cette période de crise post-électorale. Du 19 au 28 février 2013, la Cour Pénale Internationale (CPI) examinait les charges qui pèsent contre l'ancien président afin de déterminer si un procès doit avoir lieu. L'examen du dossier Gbagbo par la justice internationale s'inscrit dans un contexte social encore très marqué par les divisions politiques qui agitaient le pays, deux ans auparavant. Reportée à deux reprises, l'audience était attendue par une grande partie des Ivoiriens.

Le point de départ du conflit : des élections contestées.

Le 28 novembre 2010 est organisé le second tour des élections présidentielles en Côte d'Ivoire. Les deux candidats à la présidence sont alors Laurent Gbagbo, le président sortant, et Alassane Ouattara, l'ancien Premier ministre. Le premier bénéficie du soutien du Conseil constitutionnel, le second de celui de la communauté internationale. 

Laurent Gbagbo, ex-président ivoirien.

Alors que les résultats du second tour des élections désignent Alassane Ouattara comme le vainqueur de la présidentielle avec « 54,1% des voix » (La Documentation Française), le président sortant refuse de quitter le pouvoir. Il « [dépose] un recours devant le Conseil constitutionnel » qui invalide une partie des résultats et proclame sa réélection à la tête du pays.

La Côte d'Ivoire se retrouve avec deux présidents à sa tête, point de départ de la crise post-électorale qui a agité le pays pendant près de cinq mois. Pour tenter de remédier à cet imbroglio politique, « la Cédéao [Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest] organise des rencontres entre ses émissaires et les deux prétendants au pouvoir ivoirien, entre fin décembre 2010 et début janvier 2011 » et ce, sans succès.

Le basculement progressif de la Côte d'Ivoire dans la violence.

Le conflit politique s'enlise et engendre des violences au sein de la population : « L’échec de ces négociations [entreprises par la Cédéao] déclenche début janvier 2011 des heurts entre partisans des deux camps à Abidjan ». Les affrontements, qui s'étendent dans la partie ouest du territoire ivoirien, se poursuivent jusqu'au mois d'avril 2011. 

Les forces pro-Ouattara, baptisées « Forces Nouvelles » puis « Forces Républicaines de Côte d'Ivoire » (FRCI) parviennent progressivement à récupérer des villes jusqu’alors contrôlées par les troupes loyales à Laurent Gbagbo. D'après le site internet de la Documentation Française, « le 31 mars [2011] Abidjan est totalement encerclée par les forces pro-Ouattara »

Laurent Gbagbo est finalement arrêté le 11 avril 2011, « par les forces d'Alassane Ouattara, soutenues par l'ONUCI et la Force Licorne ». Il est d’abord emprisonné, avant d'être transféré à La Haye en novembre 2011. Alassane Ouattara est investi président de la République ivoirienne un peu plus d'un mois plus tard, le 21 mai 2011. 

Violences à Abidjan, en février 2011.

La justice internationale doit décider de la tenue ou non d'un procès.

Depuis lors, Laurent Gbagbo est « soupçonné d'avoir fomenté un "plan" composé notamment de meurtres et de viols pour s'accrocher au pouvoir » (AFP). Sa comparution devant la CPI avait donc pour objectif de déterminer si les charges qui pèsent contre lui « sont suffisamment solides pour permettre, plus tard, la tenue d'un procès ». Les deux parties, l'accusation et la défense, ont présenté leurs arguments.

L'accusation se base sur quatre évènements dont Laurent Gbagbo est soupçonné d'être le commanditaire : « une marche de civils réprimée par les forces de sécurité », « la répression d’une marche de femmes à Abobo en mars 2011 », l'attaque au « mortier » d'un marché d'Abidjan par ses forces et des exactions commises par « des miliciens et mercenaires pro-Gbagbo [...] à Yopougon, fin avril 2011 » (RFI). Outre les dizaines de blessés et le viol de plusieurs femmes, ces violences auraient coûté la vie à 166 personnes.

De son côté, la défense présente Laurent Gbagbo comme un « bouc émissaire », affirmant que « sa chute a été planifiée et organisée » (RFI). Cette ligne de défense, que certains pourraient assimiler à un ersatz de théorie du complot, ne doit toutefois pas être rejetée trop rapidement. A ce jour, l'ancien président comparaît seul devant la CPI tandis que plusieurs responsables des exactions commises durant la crise post-électorale ont fui, notamment au Ghanna, à l'abri de la justice internationale. 

La réconciliation nationale est-elle possible ?

Lors de son discours d'investiture, prononcé le 21 mai 2011, le nouveau président ivoirien Alassane Ouattara, a affirmé sa volonté d'engager un processus de réconciliation nationale. Comme le rapporte France 24, il avait déclaré « qu'aucun crime commis depuis le 28 novembre [2010] ne resterait impuni, quels qu'en soient les auteurs ». De ce fait, il s'en est remis à la CPI pour « enquêter sur les crimes les plus graves ». L'objectif était d'apaiser les tensions subsistantes au sein de la population ivoirienne et de rétablir la sécurité dans le pays.

Les partisans de Laurent Gbagbo manifestaient à Abidjan, le 16 février 2013. 

Plusieurs attaques ont néanmoins eu lieu à Abidjan aux mois d'août et de septembre 2012, ravivant les tensions entre les partisans de l'ancien président, Laurent Gbagbo, et ceux d'Alassane Ouattara. Comme le rapporte Le Figaro dans un article publié le 5 décembre 2012, « ces raids portent pour beaucoup la marque des extrémistes favorables à Laurent Gbagbo », bien que « jamais revendiqués ». Ces évènements laissent à penser que plus de deux ans après la crise post-électorale, la société ivoirienne n'est pas encore parvenue à surmonter ses divisions.

L'audience chargée de déterminer la nécessité ou non de juger Laurent Gbagbo a, une nouvelle fois, mis en évidence la fragmentation d'une partie de la société ivoirienne. En témoignent les manifestations organisées par des manifestants pro-Gbagbo le 16 et le 18 février 2013 (jour de l'ouverture de l'audience) devant la Cour à Abidjan. Quelle que soit la décision de la justice internationale, ces récents évènements montrent que les plaies de 2011 ne sont pas encore tout à fait cicatrisées. La réconciliation nationale voulue par Alassane Ouattara semble encore lointaine.

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