Le 7 août dernier, le chef de la
délégation camerounaise, David Ojong, a signalé la disparition de sept
athlètes camerounais participant aux Jeux Olympiques de Londres. Cinq
boxeurs, un nageur et une footballeuse auraient fui le village
olympique. Aucune explication n'a été livrée sur les raisons de cette
défection et les autorités camerounaises n'ont, selon l'AFP, pas
souhaité s'exprimer sur cette affaire. Comment expliquer ces
disparitions ? Pour comprendre les raisons ayant poussé les athlètes
camerounais à la fuite, l'équipe de LPO a interrogé par téléphone Oumar,
un Camerounais vivant à Kribi, au sud du pays.
« Au Cameroun, les sportifs ne sont pas respectés par les autorités, explique Oumar. En
dehors des périodes de manifestations sportives internationales, les
autorités camerounaises refusent de prendre en charge et de financer les
équipes sportives ». Ce problème est récurrent dans beaucoup de
pays d'Afrique où la politique sportive est défaillante. Au Cameroun,
elle ne permet pas aux sportifs de s'épanouir dans leur discipline et le
manque d'infrastructures ne leur offre pas de bonnes conditions
d'entraînement. « A Yaoundé, par exemple, il n'y qu’un seul stade de football, construit en 1972, poursuit Oumar. Lorsque la FIFA [Fédération internationale de football association] et la CAF [Confédération africaine de football] se
rendent au Cameroun pour l'inspecter, le Cameroun est sanctionné parce
que le stade est mal entretenu et ne répond pas aux normes pour
accueillir des compétitions internationales ». En plus de n’exister
qu’en petit nombre, les complexes sportifs sont donc mal entretenus,
contrairement aux pays occidentaux où des moyens financiers et matériels
conséquents sont mis à la disposition des délégations et clubs
sportifs. Les faits parlent d’eux-mêmes : le Cameroun n’a remporté
aucune médaille lors des derniers Jeux Olympiques. Cette absence de
résultat est décourageante pour les athlètes comme pour la population
camerounaise.
Par conséquent, « le
peuple camerounais est totalement démobilisé par rapport aux Jeux
Olympiques. Beaucoup de moyens sont mis en œuvre pour aucun résultat », commente Oumar. Son découragement est palpable : «
Tout le monde dit qu’on va gagner, que tout va bien se passer. Et
lorsque la compétition a eu lieu, on se rend compte du décalage entre ce
qui avait été promis et les véritables résultats ». Le politologue camerounais Mathias Eric Nguini Owona y voit le « malaise
commun […] d’une jeunesse qui n’a pas confiance, [qui] ne croit pas aux
capacités de son pays et doute de ses chances d’avenir » (Jeune Afrique,
9 août 2012). La culture olympique a donc du mal à trouver sa place
dans une société camerounaise démobilisée par l'absence de performance
de ses sportifs.
Ces
athlètes qui fuient leur délégation lors de compétitions
internationales mettent en lumière le manque de culture sportive dans
certains pays africains. Si les causes de ce phénomène ne sont pas
formellement identifiées, le délabrement des infrastructures
précédemment évoqué, l'insuffisance des rémunérations ou encore le
manque de considération de la part de la population peuvent chacun
apporter un fragment de réponse.
D’après RFI, « ces sept membres de la délégation camerounaise ne sont […] pas les seuls athlètes à avoir déserté les JO ».
Deux nageurs ivoiriens auraient quitté le village olympique dans la
nuit du 8 août, d’après le président de la Fédération Ivoirienne de
Natation et de Sauvetage (FINS). Quatre membres de la délégation
congolaise auraient également disparu ainsi que trois athlètes guinéens.
En plus de ces disparitions, l’Afrique de l’ouest dans son ensemble a
obtenu seulement deux médailles : une médaille d’argent en taekwondo
pour le Gabonais Anthony Obame et une médaille d’or en marathon pour
l’Ougandais Stephen Kiprotich. Le bilan des Jeux Olympiques 2012 est
donc mitigé pour cette région de l'Afrique qui fait davantage parler
d'elle pour ses disparitions d'athlètes que pour ses performances
olympiques. Ces disparitions reflètent le malaise des sportifs africains
qui peinent à se réaliser dans leur pays où la politique sportive est
très largement insuffisante.
L'exil
sportif est un phénomène de plus en plus récurrent, en particulier dans
certains pays d'Afrique. Il s'explique par le manque d'infrastructures
sportives et le désintérêt des autorités à l'égard du sport. En plus de
ces disparitions, l'absence de résultats lors des compétitions est
probante et le patriotisme olympique en pâtit. Les populations
africaines concernées se sentent de moins en moins mobilisées pour
soutenir leurs sportifs. Reste à savoir si ces évènements
interpelleront les autorités des pays concernés et les pousseront à
mieux encadrer les prochaines générations de sportifs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenue sur LPO et merci de votre participation. N'oubliez pas que le débat doit se faire dans la cordialité !