7 octobre 2012

L'exil sportif des athlètes camerounais. Témoignage.


Le 7 août dernier, le chef de la délégation camerounaise, David Ojong, a signalé la disparition de sept athlètes camerounais participant aux Jeux Olympiques de Londres. Cinq boxeurs, un nageur et une footballeuse auraient fui le village olympique. Aucune explication n'a été livrée sur les raisons de cette défection et les autorités camerounaises n'ont, selon l'AFP, pas souhaité s'exprimer sur cette affaire. Comment expliquer ces disparitions ? Pour comprendre les raisons ayant poussé les athlètes camerounais à la fuite, l'équipe de LPO a interrogé par téléphone Oumar, un Camerounais vivant à Kribi, au sud du pays. 

« Au Cameroun, les sportifs ne sont pas respectés par les autorités, explique Oumar. En dehors des périodes de manifestations sportives internationales, les autorités camerounaises refusent de prendre en charge et de financer les équipes sportives ». Ce problème est récurrent dans beaucoup de pays d'Afrique où la politique sportive est défaillante. Au Cameroun, elle ne permet pas aux sportifs de s'épanouir dans leur discipline et le manque d'infrastructures ne leur offre pas de bonnes conditions d'entraînement. « A Yaoundé, par exemple, il n'y qu’un seul stade de football, construit en 1972, poursuit Oumar. Lorsque la FIFA [Fédération internationale de football association] et la CAF [Confédération africaine de football] se rendent au Cameroun pour l'inspecter, le Cameroun est sanctionné parce que le stade est mal entretenu et ne répond pas aux normes pour accueillir des compétitions internationales ». En plus de n’exister qu’en petit nombre, les complexes sportifs sont donc mal entretenus, contrairement aux pays occidentaux où des moyens financiers et matériels conséquents sont mis à la disposition des délégations et clubs sportifs. Les faits parlent d’eux-mêmes : le Cameroun n’a remporté aucune médaille lors des derniers Jeux Olympiques. Cette absence de résultat est décourageante pour les athlètes comme pour la population camerounaise. 

Par conséquent, « le peuple camerounais est totalement démobilisé par rapport aux Jeux Olympiques. Beaucoup de moyens sont mis en œuvre pour aucun résultat », commente Oumar. Son découragement est palpable : « Tout le monde dit qu’on va gagner, que tout va bien se passer. Et lorsque la compétition a eu lieu, on se rend compte du décalage entre ce qui avait été promis et les véritables résultats ». Le politologue camerounais Mathias Eric Nguini Owona y voit le « malaise commun […] d’une jeunesse qui n’a pas confiance, [qui] ne croit pas aux capacités de son pays et doute de ses chances d’avenir » (Jeune Afrique, 9 août 2012). La culture olympique a donc du mal à trouver sa place dans une société camerounaise démobilisée par l'absence de performance de ses sportifs.

La délégation camerounaise lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Londres.

Ces athlètes qui fuient leur délégation lors de compétitions internationales mettent en lumière le manque de culture sportive dans certains pays africains. Si les causes de ce phénomène ne sont pas formellement identifiées, le délabrement des infrastructures précédemment évoqué, l'insuffisance des rémunérations ou encore le manque de considération de la part de la population peuvent chacun apporter un fragment de réponse.

D’après RFI, « ces sept membres de la délégation camerounaise ne sont […] pas les seuls athlètes à avoir déserté les JO ». Deux nageurs ivoiriens auraient quitté le village olympique dans la nuit du 8 août, d’après le président de la Fédération Ivoirienne de Natation et de Sauvetage (FINS). Quatre membres de la délégation congolaise auraient également disparu ainsi que trois athlètes guinéens. En plus de ces disparitions, l’Afrique de l’ouest dans son ensemble a obtenu seulement deux médailles : une médaille d’argent en taekwondo pour le Gabonais Anthony Obame et une médaille d’or en marathon pour l’Ougandais Stephen Kiprotich. Le bilan des Jeux Olympiques 2012 est donc mitigé pour cette région de l'Afrique qui fait davantage parler d'elle pour ses disparitions d'athlètes que pour ses performances olympiques. Ces disparitions reflètent le malaise des sportifs africains qui peinent à se réaliser dans leur pays où la politique sportive est très largement insuffisante.  

L'exil sportif est un phénomène de plus en plus récurrent, en particulier dans certains pays d'Afrique. Il s'explique par le manque d'infrastructures sportives et le désintérêt des autorités à l'égard du sport. En plus de ces disparitions, l'absence de résultats lors des compétitions est probante et le patriotisme olympique en pâtit. Les populations africaines concernées se sentent de moins en moins mobilisées pour soutenir leurs sportifs. Reste à savoir si ces évènements interpelleront les autorités des pays concernés et les pousseront à mieux encadrer les prochaines générations de sportifs.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Bienvenue sur LPO et merci de votre participation. N'oubliez pas que le débat doit se faire dans la cordialité !