13 octobre 2012

Un horizon plein d’incertitudes pour l’Unesco.


Si personne ne semble avoir de doutes sur la nécessité de « contribuer à l’édification de la paix, à l’élimination de la pauvreté, au développement durable et au dialogue interculturel par l’éducation, les sciences, la culture, la communication et l’information » – comme l’affirme la charte de l’Unesco – encore faut-il trouver des fonds suffisants pour mener à bien ces objectifs. C’est le défi majeur que va devoir relever l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, créée en 1921 dans le cadre de la Société des Nations. 

A l’aube de 2015, date limite que s’était fixée l’organisation dans l’accomplissement des objectifs prévus à moyen et à long terme, les ressources et le budget font défaut et amènent à s’interroger sur une refonte structurelle ainsi que sur une restructuration des différents pôles de décision et des champs d’actions que recouvre l’Unesco. 

Cette nécessité est consécutive à la décision des Etats-Unis de mettre fin à leur contribution financière après l’admission de la Palestine, le 31 octobre 2011. Cette suspension intervient en vertu d’une loi votée au début des années 1990[1], qui interdit le financement d’une agence spécialisée des Nations Unies acceptant la Palestine en tant qu’Etat-membre, en l’absence d’accord de paix avec Israël. Les Etats-Unis apportaient jusqu’à la date de novembre 2011 une subvention de 65 millions de dollars. Ce sont donc 22% du budget de l’organisme qui se sont évaporés. 

Ce dernier, assis sur un vaste réseau de Bureaux régionaux hors-siège et de Commissions Nationales est donc plus que jamais confronté à la nécessité de trouver un juste milieu entre des contraintes d’efficacité, de rendement et de moindre coût et les valeurs d’éthique, de justice et d’équité. 

C’est à cette double tâche qu’étaient appelées à s’atteler les Commissions Nationales de l’Amérique Latine et des Caraïbes, lors d’un congrès international se déroulant à Montevideo les 14, 15 et 16 septembre 2012. Étaient présents la Directrice Générale de l’Unesco, Irina Bokova[2], ainsi que les représentants de chaque Commission Nationale et des Bureaux régionaux. 

Irina Bokova, Directrice générale de l'Unesco.

Le choix de Montevideo comme pays d’accueil pour cette rencontre n’est, de ce point de vue, pas dû au hasard. L’Uruguay est, en effet, l’un de ces pays de renta media (les pays aux revenus intermédiaires) qui fut considéré autrefois comme la Suisse de l’Amérique Latine, où la population bénéficie d’un niveau de vie appréciable et où les marchés et les entreprises pensent qu’il est raisonnable d’investir. Les différents indices comparatifs en Amérique Latine le classent premier en ce qui concerne la transparence et la gestion de la corruption, deuxième pour la bonne application des principes démocratiques et troisième pour l’indice de prospérité. Comme l’Argentine, l’Uruguay est un des pays sûrs du Cône Sud, d’ores et déjà développé et montrant la voie du développement aux autres pays de la région. L’Unesco y a donc logiquement tenu sa consultation internationale visant à dresser un bilan de mi-parcours et à fixer les objectifs pour les sept ans à venir dans la région y ait lieu.

Un congrès donnant la voix aux Commissions Nationales 

La consigne initiale donnée par Mme Bokova était claire et pouvait se résumer à la question suivante : « Etes-vous d’accord pour que la réduction du budget se traduise par une refonte des grands programmes et des secteurs administrés actuellement par l’Unesco ? » 

Si les débats ont été à la fois polémiques et constructifs la plupart du temps, ils ont permis de mettre en valeur quelques axes et points essentiels laissant transparaître les impératifs et les nécessités de la région Amérique Latine et Caraïbes. 

Tout d’abord, la crainte que la réduction du budget ne se traduise, dans les faits, par une sous-représentation de leur région au profit d’ensembles soit prépondérants soit prioritaires, comme l’Europe ou l’Afrique. Ensuite, le rappel de l’importance des sciences humaines et sociales comme secteur primordial pour la région, étant donné un précédent projet de refonte allant dans le sens d’une disparition de ce pôle en tant que tel. Enfin, la réaffirmation d’enjeux comme les états insulaires en voie de développement ou encore l’éducation. De manière générale, les différentes Commissions Nationales ont souligné le besoin d’une plus grande lisibilité des réformes en cours, ont admis la nécessité de ces dernières et ont réitéré leur volonté d’accompagner l’Unesco dans cet effort et ont appelé l’organisation à une plus grande décentralisation.

Salle plénière de la 34ème Conférence générale de l'Unesco.

Bien au-delà des enjeux propres à ce congrès, les réflexions qui y ont été menées et les débats tenus ne sont que la caisse de résonance de mouvements plus globaux, comme la progressive marginalisation des sciences humaines et sociales dans le domaine du savoir et son annexion aux sciences exactes ou encore l’essor croissant de l’Amérique Latine et sa volonté correspondante d’être considérée comme un partenaire de poids que l’on ne pourrait en aucun cas négliger sur la scène mondiale. 

Durant cette consultation sur la préparation de la stratégie à moyen terme pour 2014-2021 et sur le Programme et le Budget pour 2014-2017, Mme Bokova a par ailleurs insisté sur le fait que « les changements du monde actuel représentent pour l’Unesco un appel à se redéfinir et à réfléchir ensemble sans entraves ». Pour le Ministre uruguayen d’Education et de la Culture, Ricardo Ehrlich, l’accent mis sur la croissance économique, la hausse du niveau de vie et le développement durable est insuffisant. Il est, en effet, plus que nécessaire dans les circonstances actuelles que l’importance de la culture « se consolide » afin que cette dernière devienne un « vecteur incomparable de vivre-ensemble […]. Seulement ainsi l’Unesco pourra apporter un projet viable pour affronter les défis de notre époque. » 

Il reste à attendre les résultats des autres Commissions pour pouvoir appréhender ce que sera la nouvelle politique de l’Unesco. Cette dernière devra être en meilleure adéquation avec ses ressources, les nouveaux enjeux globaux et les revendications de régions en voie de développement, ou déjà développées, qui réclament une plus grande audience au sein de l’Unesco – une organisation qui a promu l’égalité comme valeur propédeutique à son action. 

_________________________________________________________________________
[1] Voici l'extrait de cette loi concernant l'éventualité de l'adhésion de la Palestine à une agence onusienne :

Membership of Palestine Liberation Organization in United Nations Agencies 
Pub. L. 101–246, title IV, §414, Feb. 16, 1990, 104 Stat. 70, provided that: 
“(a) Prohibition.—No funds authorized to be appropriated by this Act or any other Act shall be available for the United Nations or any specialized agency thereof which accords the Palestine Liberation Organization the same standing as member states
“(b) Transfer or Reprogramming.—Funds subject to the prohibition contained in subsection (a) which would be available for the United Nations or any specialized agency thereof (but for that prohibition) are authorized to remain available until expended and may be reprogrammed or transferred to any other account of the Department of State or the Agency for International Development to carry out the general purposes for which such funds were authorized.” 

[2] La présence d’Irina Bokova en Uruguay a été signalée par de nombreux périodiques, parmi les plus importants de la presse nationale. C’est ainsi que le quotidien uruguayen El País a publié une entrevue avec la Directrice Générale de l'Unesco, première femme élue à ce poste, concernant la situation du secteur éducatif en Uruguay ainsi qu’un article sur son engouement face à la bonne conservation du patrimoine national.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Bienvenue sur LPO et merci de votre participation. N'oubliez pas que le débat doit se faire dans la cordialité !