Les étudiants de Sciences Po bordeaux ont voté mercredi 4 avril 2012. Ils se sont donc succédés toute la journée dans un bureau de vote tout ce qu'il y a de plus habituel, avec deux isoloirs et ce qu'il faut d'assesseurs. Ce n'est pas la première fois qu'un tel évènement se tient à l'Institut d'Etudes Politiques (IEP) de Bordeaux. Déjà en 2002 et en 2007, les représentants étudiants de l'IEP avaient mis en place cette simulation, à l'image d'autres IEP en France, dont le célèbre institut parisien qu'on ne présente plus.
Une initiative étudiante.
Cette année, c'est l'Unef qui est au front. "C'est nous qui avons lancé ça, et les autres syndicats se sont associés", assure Philippe, un des élus Unef au conseil d'administration (CA). Célia, la responsable de l'antenne Unef de l'IEP, nous révèle cependant que les autres syndicats dont OSES (gauche) et MET (droite) "n'ont pas souhaité participer". Même l'administration a apporté son concours pour mener à bien cette simulation. Elle a fourni les urnes, le matériel de vote et un soutien en termes de communication.
Si du côté des étudiants, tous ne portent pas tous le même regard sur ce vote et ses résultats, un consensus demeure : la répartition des voix n'aura pas de signification quant au scrutin national du 22 avril prochain. Anthony, un élu étudiant au Conseil d'Administration de l'IEP, le confirme sans ambages : "ces élection ne sont pas vraiment représentatives de l'électorat français. Il peut être intéressant de comparer les différents IEP, mais au niveau national ce sera biaisé."
Jade, étudiante en quatrième année, est allée voter "dès qu'ils ont ouvert le bureau". Elle a donc été la première parmi de nombreux étudiants à participer à cette simulation. D'autres, comme Nicolas, étaient intrigués par l'expérience mais n'ont pas souhaité y participer de crainte qu'en plus de n'être pas représentative de l'électorat national, elle ne soit pas non plus représentative des intentions de vote des étudiants de l'IEP. "Les gens ne jouent pas vraiment le jeu, explique-t-il, ils ne prennent pas le vote au sérieux. Je crois qu'il faudrait essayer de voter de la même manière qu'on aurait voté aux vraies élections".
Le phénomène Cheminade à Sciences Po.
De fait, "certains ont glissé dans la rigolade" nous explique Anthony, et ont profité de cette simulation pour tenter d'obtenir un résultat amusant. Des affiches interpellant les étudiants sont apparues, étalant à la vue de tous cet étrange slogan : "Direction la Lune. Donnez 20% à Jacques Cheminade." Ce dernier, candidat insolite, propose effectivement d'industrialiser la Lune et de réduire à "10 ou 15 jours le temps de voyage entre la Terre et Mars". Un programme fantasmagorique dont des étudiants farceurs se sont emparés pour tenter de créer un phénomène "Sciences Po Bordeaux vote Cheminade". La présence de France Culture jeudi 5 avril, qui enregistrait pour la journée ses émissions à l'IEP, ne semble pas complètement étrangère à cette tentative car cette information cocasse aurait pu être relayée.
Sciences Po Bordeaux organisait le 4 avril sa propre simulation de l'élection présidentielle. |
En dehors de cet épiphénomène, cette simulation a eu un effet d'introspection indéniable : elle a permis de réactiver le débat politique qui, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ne s'exerce pas au quotidien dans un Institut d'Etudes Politiques. Tout au long de la journée, les étudiants ont ainsi discuté de leur vote, des programmes des candidats et ont accompli une étape supplémentaire dans le mûrissement de leur choix. Qu'ils aient voté comme ils le feront au scrutin national ou de manière plus relâchée, ils ont pu faire le point 20 jours avant l'échéance.
Un scrutin porté à gauche.
18 heures. C'est l'heure de la fermeture du bureau de vote et du dépouillement. Malgré quelques problèmes techniques concernant les listes, une joyeuse pagaille s'installe progressivement. Par la porte passent quelques têtes goguenardes qui demandent si les résultats sont disponibles. "Pas encore", leur répond-on. Une poignée de représentants de l'administration sont présents pour assister les étudiants en cas de besoin.
Parmi ceux-ci, Jean Petaux, responsable de la communication et des relations extérieures de l'Institut. Nous l'avions rencontré quelques jours auparavant lors d'un entretien préliminaire. Il nous avait révélé qu'à l'IEP, les candidats de gauche maintenaient une domination historique. "'En 2002, c'est Lionel Jospin qui l'avait emporté dès le premier tour, se souvient-il, et en 2007, c'était Ségolène Royal qui était arrivée très largement devant". Nous lui avions donc demandé à quoi pouvait être attribuée une telle inclinaison et en sa qualité de docteur en sciences politiques, il nous avait répondu que l'explication n'est pas "monocausale", comme bien souvent en sciences sociales. Tout d'abord, "les 18-25 ans votent majoritairement comme leurs parents, expliquait-il. Or dans un établissement comme le notre, il y a moins d'enfants d'ouvriers et d'employés, plutôt de classes moyennes ou des catégories socioprofessionnelles (CSP) supérieures, ce qui correspond au coeur de l'électorat de François Hollande. Par mimétisme, on obtient donc ces résultats à gauche." Il avait ajouté que "l'Aquitaine vote à gauche structurellement (elle a même été l'une des rares régions de France qui s'est prononcée pour Ségolène Royal en 2007) et environ 40% des étudiants de première année sont Aquitains." Il avait enfin rappelé que les 18-25 ans votent majoritairement à gauche, ce qui mène à une "vraie permanence dans le comportement politique des étudiants".
Parmi ceux-ci, Jean Petaux, responsable de la communication et des relations extérieures de l'Institut. Nous l'avions rencontré quelques jours auparavant lors d'un entretien préliminaire. Il nous avait révélé qu'à l'IEP, les candidats de gauche maintenaient une domination historique. "'En 2002, c'est Lionel Jospin qui l'avait emporté dès le premier tour, se souvient-il, et en 2007, c'était Ségolène Royal qui était arrivée très largement devant". Nous lui avions donc demandé à quoi pouvait être attribuée une telle inclinaison et en sa qualité de docteur en sciences politiques, il nous avait répondu que l'explication n'est pas "monocausale", comme bien souvent en sciences sociales. Tout d'abord, "les 18-25 ans votent majoritairement comme leurs parents, expliquait-il. Or dans un établissement comme le notre, il y a moins d'enfants d'ouvriers et d'employés, plutôt de classes moyennes ou des catégories socioprofessionnelles (CSP) supérieures, ce qui correspond au coeur de l'électorat de François Hollande. Par mimétisme, on obtient donc ces résultats à gauche." Il avait ajouté que "l'Aquitaine vote à gauche structurellement (elle a même été l'une des rares régions de France qui s'est prononcée pour Ségolène Royal en 2007) et environ 40% des étudiants de première année sont Aquitains." Il avait enfin rappelé que les 18-25 ans votent majoritairement à gauche, ce qui mène à une "vraie permanence dans le comportement politique des étudiants".
Au cours du dépouillement, tout cela se confirme. Les noms de François Hollande (PS) et de Jean-Luc Mélenchon (FG) retentissent à intervalle régulier. L'un des étudiants est manifestement partisan de Nicolas Sarkozy et se réjouit chaque fois que son nom est annoncé. Pourtant, les assesseurs qui dépouillent les voix du premier collège (1ère et 3e années) constatent "tiens, Poutou fait à peu près le même score que Sarko". Mais la tendance s'inverse largement par la suite. Lorsque François Bayrou obtient trois bulletins de suite, on s'exclame : "c'est la remontée fantastique!" Par contre, l'ambiance se refroidit chaque fois que Marine Le Pen obtient une voix. Où en est Jacques Cheminade? "C'est lui le troisième homme", croit deviner l'un des assesseurs.
Cheminade n'aura finalement pas ses 20% mais obtient tout de même un score très respectable de 10,9% alors qu'il ne dépasse pas les 0,5% au niveau national. Avec 37% des suffrages exprimés, François Hollande remporte haut la main cette simulation de premier tour d'élection présidentielle, suivi par Jean-Luc Mélenchon à 18,7%. Le président sortant Nicolas Sarkozy obtient seulement 14% et François Bayrou frôle les 10%. Eva Joly obtient un bon score au vu des intentions de votes pour le scrutin national : elle dépasse les 5% nécessaires pour le remboursement des frais de campagne. La candidate frontiste Marine Le Pen, elle, est écrasée à 0,8%. Il faut noter une bonne participation, qui s'élève à 44,9% si l'on ne tient pas compte des étudiants de deuxième année, en mobilité à l'étranger pour la plupart.
Tous les résultats sont disponibles sur le site de l'Unef Sciences Po Bordeaux.
wohaaah 0,8% ça fait rêver ! c'est presque une cité utopique...
RépondreSupprimerPresque! Et puis, on veut conquérir la Lune :)
RépondreSupprimerBonjour, j'aime beaucoup votre blog, je trouve que vous proposez un point de vue assez original et instructif sur l'actualité. J'ai découvert il y a quelques temps en écoutant la radio un travail de deux journalistes sur la campagne présidentielle qui, je pense, pourrait vous intéresser. Ces deux hommes ont parcouru la France à vélo durant toute la campagne, et ont été loger chez l'habitant, au hasard des rencontres. Ils ont filmé toutes les discussions politiques qu'ils ont eu avec les personnes qui les hébergeaient. J'ai trouvé cette initiative géniale et cela montre la campagne d'un autre oeil, celui de l'intérieur, sans jugement, nous laissant le soin de la réflexion et de l'approfondissement. Voici un lien où vous trouverez toutes les vidéos: http://www.francetv.fr/info/la-campagne-a-velo/ .
RépondreSupprimerBonsoir,
SupprimerPermettez moi de vous adresser nos plus sincères remerciements pour cet aimable commentaire qui a lui seul justifie le temps que nous avons consacré à ce blog. Merci également de nous avoir indiqué ce lien que je me suis empressé de consulter et qui me parait d'ores et déjà fort intéressant.
Je profite de cette occasion pour expliquer l'absence, ces derniers temps, de nouveaux articles: la période d'examen a été intense et s'achèvera bientôt. Nous pourrons alors reprendre notre plume et notre objectif là où nous les avons laissés ;)
Cordialement,
Valentin Graff