7 février 2007

[Avis lycéen] Chronique d'un retrait. Retour sur la bataille du CPE.


Le Contrat Première Embauche, en 2006, fut l'occasion d'une mise à l'épreuve de deux volontés ; celle du gouvernement, qui ne s'était pas remise en question depuis quelques années déjà, et celle d'un ensemble de français composite, tant lycéens, étudiants, qu'enseignants, cheminots, et membres de nombreux groupes de travailleurs.

Avant d'aller plus loin, présentons le texte dont il est question. Le projet de loi sur l'égalité des chances, présenté à l'Assemblée Nationale le 16 janvier 2006, avait pour objectif d’appliquer en France diverses mesures relatives à l’emploi et à l’éducation. Il a été proposé par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, Jean-Louis Borloo, comme réponse de Matignon aux révoltes sociales de l' automne 2005 dans les banlieues françaises. Ce texte comprenait de multiples éléments qui ont été sujets à des critiques de différents bords politiques et syndicaux. On peux ainsi mentionner diverses dispositions ayant été montrées du doigt, telles que l’apprentissage à 14 ans ou le travail de nuit à partir de 15 ans (sous certaines conditions malgré tout).

L'amendement incluant le CPE fut inséré dans le projet de loi pour l'égalité des chances et fut adopté par l'Assemblée Nationale dans la nuit du 8 au 9 février 2006. Ce contrat, par lequel Dominique de Villepin, actuel Premier ministre français, se proposait de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes en difficulté comportait des clauses que beaucoup estimèrent facilitant les licenciements abusifs et la précarité. Contrairement à ce que son nom semblait indiquer, il s'appliquait à tous les individus ayant moins de 26 ans, qu'ils soient embauchés pour la première fois ou non. En apparence faisant montre d'une bonne volonté gouvernementale, le contrat comportait en réalité de graves illogismes. Sans s’étendre sur le sujet, on peut néanmoins mentionner brièvement une période d’essai longue de deux ans pendant laquelle le jeune embauché pouvait être renvoyé sans que le chef d’entreprise ait à présenter de motifs.

Dominique de Villepin, devant les députés de l'Assemblée nationale, le 8 juin 2005,
pour son discours de politique générale en tant que Premier Ministre de Jacques Chirac.
Face à une opposition croissante, et par opportunité politique, Dominique de Villepin engagea la responsabilité du gouvernement sur le reste du texte, conformément à l'article 43-9 de la Constitution, ce qui a été dénoncé comme un « passage en force » par l'opposition. L'article 49 précédemment cité est un article extrêmement important dans la Constitution de la cinquième République française. Il comporte quatre alinéas traitant de la motion de censure, de l'engagement de responsabilité que peut appliquer le gouvernement vis à vis d'un programme ou d'un texte de loi, et de la demande d'approbation du Sénat qu'il peut également effectuer. L'alinéa 3 en particulier permet au gouvernement d'imposer l'adoption d'un texte par l'Assemblée, immédiatement, et sans vote, ce à quoi l'Assemblée ne peut s'opposer qu'en renversant le gouvernement par une motion de censure de l'alinéa 2. Ce type de réaction rendant précaire la position française internationale, il est difficile de s’opposer à une telle manœuvre politique.

La réaction de l'opposition et de tous les manifestants potentiels fut immédiate : renforcement de la contestation, menaces des syndicats. La France brûlait d'indignation, ce qui n'est pas sans rappeler l'état des esprits lorsque le gouvernement de Jacques Chirac avait par deux fois refusé d'écouter l'avis du peuple, lors des crises respectives de la réforme Fillon et de celle sur la sécurité sociale et les retraites. Malgré le nombre important de manifestants, Dominique de Villepin ne cessa, dès lors, d’opposer un refus catégorique au retrait du CPE et de proposer aux syndicats d’éventuelles négociations, qui prenait aux yeux des insurgés des allures de leurre.

Une première déception atteint les manifestants, lorsque le 30 mars le Conseil Constitutionnel rendit son verdict, approuvant le texte du CPE. Une deuxième s’ensuivit très peu de temps après, lorsque Jacques Chirac, président de la république, annonça le 31 mars lors d'une allocution télévisée de 9 minutes, suivie par 20,6 millions de personnes et effectuée en direct de l’Élysée qu'il allait promulguer la loi sur l'égalité des chances, dont les dispositions relatives au CPE. Toutefois, il annonça également qu'il demanderait au gouvernement qu'il soit rapidement proposé au parlement une seconde loi modificative ramenant le délai de la période de consolidation de deux ans à un an, ainsi que le droit pour le salarié de connaître les raisons de son licenciement.

Loin de calmer les opposants au CPE,  cette annonce ne fit que précipiter l’appel à la grève de nombreux syndicats pour la journée du 4 avril. Ce jour-là, plus de 3,1 millions de manifestants, selon les syndicats, manifestèrent leur mécontentement vis à vis de l’attitude du gouvernement.

Quelle surprise ! Quelle surprise lorsque Dominique de Villepin retire complètement toute mention du CPE de la loi sur l'égalité des chance ! Le 10 avril, en effet, le Premier ministre français annonce "les conditions nécessaires de confiance et de sérénité ne sont réunies ni du côté des jeunes, ni du côté des entreprises pour permettre l'application du contrat première embauche". Le retrait du CPE est engagé, rien de peut plus l'arrêter. Soulagement, scepticisme pour certains. Les syndicats et les partis de l'opposition crièrent "Victoire !", les étudiants et lycéens aussi. Au lycée Gérard de Nerval de Noisiel (Seine et Marne), les rares mobilisés se téléphonent, incrédules. Ils étaient sur le point se capituler et c'est en quelque sorte une consécration que cette victoire sur un gouvernement qui n'écoute plus la rue depuis longtemps.

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