9 août 2013

Le simulateur de mêlée, un corps d’acier au cœur tendre.


Nous ne sommes qu'au début du mois d'août et, déjà, la Ligue 1 reprend ses droits. Ce soir, le PSG ouvre la saison en affrontant Montpellier à 20h30. Alors que les joueurs sont probablement déjà arrivés au stade de la Mosson, certaines questions me viennent à l'esprit : comment le sportif fait-il pour analyser le mouvement de la balle, ou l’approche d’un adversaire, et adapter son action en conséquence ? 
Perception, sensation, traitement de l’information, réponse musculaire, on est en droit de s'y perdre !

Bon, je l'avoue, ces questions me trottaient dans la tête depuis un moment. Je suis donc allée trouver Pierre-Paul Vidal, médecin, chercheur au CNRS et directeur du pôle contrôle de la sensorimoticité du Cesem (Centre d’Etude de la Sensorimotricité), au centre de recherche de la rue des Saints Pères. Il a répondu à nos interrogations.

Comment explique-t-on qu’un sportif frappe une balle au bon moment, en tenant compte de sa position dans l'espace, de sa trajectoire et de la position des autres joueurs ?
L’homme, tel le sportif sur le terrain, est confronté à de nombreux signaux de son environnement. Et il y répond ! Quand il voit un feu rouge, le piéton s’arrête. Le premier stade de ce processus est celui de la perception : l’environnement est perçu par les sens. La vision, par exemple, est largement développée chez l’homme. Il faut aussi compter sur l’ouïe, l’audition, le toucher, l'odorat. Ces signaux sont donc captés par des récepteurs dits sensoriels, dans l’œil, dans la peau, dans les narines... qui sont branchés à des neurones. Ceux-ci envoient le signal jusqu’au cerveau, où l’information est traitée.
On pourrait comparer notre système nerveux à un grand nombre d’ordinateurs montés en réseau, capables d’analyser une multitude d’information et d’envoyer des ordres en fonction. Le signal extérieur ayant fait son chemin jusqu’au cerveau, il est traduit et renvoyé comme un ordre à des muscles particuliers : si le signal est « le ballon arrive », l’ordre est envoyé aux muscles de la jambe et la jambe effectue son mouvement de frappe. Voilà comment se déroule la base de l’action dans notre corps. 
Reste que les informations extérieures sont souvent beaucoup plus précises et concernent des paramètres complexes à prendre en compte. Il existe aussi des limites à la perception du corps humain. C’est tout cela que nous étudions au Cesem.

Justement, parlez nous du Cesem. A quels types d’études vous intéressez-vous ?
Nous nous intéressons particulièrement à la partie perception et traitement de l’information extérieure. Elle joue un rôle important dans la chaîne sensorimotrice pour le maintien de la posture, le mouvement et des adaptations complexes comme la stabilisation du regard et l’équilibre. Nous travaillons sur des modèles animaux, des souris, des oiseaux lors de la marche, du vol, de la nage. 

Quelles sont les applications concrètes de ces travaux ?
Il y a pleins d’applications ! Nous essayons de fabriquer des prothèses de plus en plus performantes. Avez-vous vus certaines magnifiques prothèses de sportifs au JO paralympiques 2012 ? 
Une application que nous avons mise en œuvre au Cesem en collaboration avec Vinci est le « stimulateur de mêlée » de l’équipe du XV de France. Orné d’une série de récepteurs ultrasensibles, il analyse les pressions de la mêlée. Les joueurs, en formation « tortue », bras autour des épaules et têtes rentrées, poussent sur cet adversaire robotisé. La machine répond alors aux pressions de la mêlée française par une poussée pré-enregistrée qu’aurait exercée une équipe adverse. Ce simulateur est un réel atout pour l’entrainement des rugbyman, que ce soit pour la qualité de l'entrainement ou pour prévenir des fractures cervicales, point sensible des joueurs de rugby.
Le fameux simulateur de mêlée, en action face aux joueurs du XV de France.

Comment qualifieriez vous votre travail de chercheur ?
Comme celui d'un explorateur à l'époque où nous ne connaissions pas encore la Terre ! C’est à la fois un métier excitant et dangereux. Excitant parce que l’innovation est la clé du futur. Dangereux parce que nous n’arrivons pas toujours à savoir où nous désirons aller ! Il faut cependant toujours avoir un but précis pour faire de la recherche, même si les résultats nous amène parfois à des découvertes auxquelles nous ne nous attendions pas.

En faisant quelques recherches ce soir là, je découvre le monstre d’acier dont M. Vidal m'a parlé. Héros d’un spot publicitaire réalisé à l’occasion du tournoi des Six Nations où la France a largement échoué à tenir son rang, il a l’air puissant et monstrueux. Ce sacré simulateur a pourtant tout du meilleur ami du rugbyman.

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