Revenons tout d'abord sur l'imprécision fort regrettable du Journal du Dimanche (JDD) paru ce week-end.
Dans son numéro daté du dimanche 5 février, le JDD choisit de titrer en Une "Si elle n'est pas là... Sarkozy 33%, Hollande 33%", en se référant à Marine Le Pen, candidate FN aux élections présidentielles de 2012. Pour affirmer ceci, le JDD s'appuie sur un sondage mené en "rolling" (on interroge 300 personnes tous les jours et on obtient des résultats valables par glissement sur 3 jours) par l'institut IFOP à la demande de Paris Match. Or le message que transmet cette Une du journal dominical est très critiquable du fait de ses omissions.
Une du JDD - édition du 5 février 2012. |
Il faut replacer cette Une dans son contexte: depuis désormais un mois, les analystes politiques sont d'accord pour affirmer qu'une avance telle que celle qu'affiche le candidat socialiste François Hollande sur Nicolas Sarkozy (rappelons que ce dernier ne s'est toujours pas déclaré candidat) n'a jamais été rattrapée lors des précédentes présidentielles après que la symbolique barre des cent jours ait été franchie.
C'est donc un enjeu important pour le non-candidat Sarkozy d'entretenir dans l'opinion et dans les rangs de son propre camp l'idée que rien n'est joué, que tout est encore possible. Or le JDD, orienté centre-droit sans être non plus très conservateur, renforce ainsi la possibilité qu'un lecteur accorde plus de crédit qu'il ne le devrait à cette idée pourtant infirmée par la plupart des politistes. Notons par ailleurs à toutes fins utiles que ce journal appartient au groupe Lagardère dont le patron, Arnaud Lagardère, est publiquement considéré par Sarkozy comme "un frère".
Il faut ajouter à cela le fait que le JDD oublie (délibérément...?) quelques informations et précisions cruciales pour comprendre ce sondage. D'abord, il attribue cette remarquable remontée de Sarkozy à la seule absence éventuelle de Mme Le Pen au premier tour de l'élection. Mais le sondage, lui, envisage certes l'absence de Marine Le Pen, mais également celles de Corinne Lepage (Cap21, centre-droit), de Dominique de Villepin (République solidaire, droite), d'Hervé Morin (Nouveau Centre, centre-droit), de Frédéric Nihous (Chasse, pêche, nature et traditions, droite souverainiste) et de Christine Boutin (Parti chrétien-démocrate, centre-droit).
Si ces petits candidats ont en commun avec la candidate frontiste d'avoir des difficultés à obtenir leurs 500 parrainages, ils appartiennent surtout à la grande famille des droites françaises dont ils partagent le vivier électoral avec Sarkozy. Ils peuvent même en conquérir une marge significative. C'est pourquoi il n'est absolument pas étonnant que Nicolas Sarkozy, virtuellement débarrassé dans ce sondage de tous ses petits concurrents au premier tour, parvienne (tout juste) à se hisser à la hauteur de François Hollande. On peut en outre mentionner que ce dernier pourrait bénéficier d'un report des intentions de vote de la part des électeurs de Jean Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud, Philippe Poutou et Eva Joly, si, selon le même mécanisme, ceux-ci étaient virtuellement éliminé dans un sondage. D'ailleurs, quoi qu'il arrive, le président actuel reste crédité de seulement 44% d'intentions de vote au second tour, contre 56% pour François Hollande.
C'est donc non seulement un défaut d'information, mais un défaut politiquement orienté qu'a engendré le JDD en altérant les conclusions d'un sondage qui par ailleurs pouvaient être intéressantes. Elles indiquent en effet que l'électorat frontiste, en cas d'absence de Marine Le Pen au premier tour, se reporterait avec une forte déperdition sur Nicolas Sarkozy (puisqu'il ne gagne que 8,5 points quand le FN en totalisait 19).
Remerciements à Pierre Jaxel-Truer, journaliste au Monde, pour sa vigilance qui permet de rétablir quelques vérités fort bienvenues sur son blog Sonde-Système, spécialisé dans l'analyse des enquêtes d'opinion.
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