13 mars 2013

En République Démocratique du Congo, la paix semble encore lointaine.


Depuis 10 mois, le Nord-Kivu, à l'est de la République Démocratique du Congo (RDC), est le terrain d'extrêmes violences. Des groupes armés, comme le Mouvement du 23 mars (M23), persécutent les populations locales. Plusieurs centaines de milliers de civils ont dû fuir pour échapper aux meurtres, aux enlèvements, aux viols perpétrés par les rebelles. Pour tenter de ramener la paix dans la région, onze chefs d'états africains se sont réunis, dimanche 24 février 2013, à Addis-Abeba, capitale de l'Ethiopie, afin de signer un accord, sous l'égide des Nations Unies. Dans le même temps, des désaccords opposaient les différentes factions du M23. Le groupe rebelle est en pleine scission, ce qui, paradoxalement, ne va pas dans le sens d'une stabilisation de l'est du territoire. L'implosion du mouvement a donné lieu à un regain de violence lors des derniers jours, faisant craindre un enlisement du conflit. 

La communauté internationale souhaite remédier à la crise sécuritaire. 

Onze pays d'Afrique - parmi lesquels le Rwanda et l'Ouganda, accusés par les Nations Unies d'avoir soutenu la rebellion du M23 - ont signé l'accord international de paix pour la RDC. Le texte recouvre deux grands axes ayant pour objectif la stabilisation de l'est du pays, sur les plans sécuritaire et institutionnel. Le premier interdit un quelconque soutien aux rebelles armés ; le second préconise des réformes afin de reprendre le contrôle politique du Nord-Kivu. 

Les Nations Unies projettent également la création d'une force spéciale de 2500 hommes, chargée de lutter contre la rébellion armée. Contrairement aux 17 000 casques bleus envoyés dans le cadre de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (Monusco), « cette brigade aura un mandat très offensif » (RFI). Autrement dit, il ne s'agirait plus seulement de maintenir la paix en RDC par la simple protection des civils ; il serait question de déloger les rebelles par la force militaire.

Carte de la République Démocratique du Congo. 

L'hypothèse d'une intervention offensive de l'ONU au Nord-Kivu ne fait toutefois pas l'unanimité parmi les pays membres du Conseil de sécurité. Certains pays, comme le Guatemala et le Pakistan, « ont évoqué les risques de représailles contre les Casques bleus tandis que la Russie et la Chine soulevaient des objections "de principe" » (AFP). Ces réticences pourraient ralentir la mise en place du processus de pacification de la région, - du moins, sur le plan militaire - engagé par la signature de l'accord international de paix, et ce, malgré l'urgence de la situation. 

La scission du M23 pourrait compromettre le processus de pacification. 

La signature de l'accord de paix peut permettre d'apaiser les tensions diplomatiques entre la RDC et ses voisins - le Rwanda et l'Ouganda - soupçonnés d'avoir fourni les armes aux rebelles du M23. Il convient néanmoins de se demander si les mesures qu'il prévoit seront suffisantes pour reprendre le contrôle du Nord-Kivu. D'autant que, sur le terrain, la situation sécuritaire et humanitaire n'a de cesse de s'aggraver. Plusieurs combats ont eu lieu ces derniers jours, provoquant la mort d'une cinquantaine de personnes et le déplacement de 3500 habitants (RFI). 

Ce regain de violence s'explique par la scission du M23 en deux branches, militaire et politique. La violence ne vise plus exclusivement les populations locales ; la région est entrain de devenir le terrain d'affrontements entre les différentes factions rebelles issues du M23. « Désormais, les rebelles eux-mêmes se tirent dessus. [...] La ligne de front a donc changé de nature » résume Jeune Afrique sur son site internet. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ces rivalités ne profitent pas aux tentatives de sécurisation du territoire entreprises par les autorités congolaises et les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC). Elles alimentent l'insécurité à l'Est, ravivant la crainte d'un enlisement du conflit à l'échelle régionale. 

L'éclatement du M23 pourrait également compromettre la poursuite des pourparlers engagés depuis décembre 2012 à Kampala, capitale de l'Ouganda, entre le gouvernement congolais et le groupe rebelle. Le mouvement s'est divisé en deux camps, respectivement conduits par Bosco Ntaganda et Sultani Makenga. Même si ce dernier envisage la signature d'un accord de paix avec Joseph Kabila, le président congolais, il n'est question d'aucun compromis avec l'autre branche. Ces divergences stratégiques peuvent donc renforcer les tensions existantes entre les factions rivales.

Des soldats du M23. 

Les groupes rebelles armés se multiplient. 

Dans un entretien avec RFI, Kris Berwouts, consultant et analyste sur la RDC, envisage les conséquences de l'implosion du M23. Il évoque une possible « "somalisation" du Kivu », due au « fait que les combats ont lieu entre des groupes et des milices qui sont de plus en plus petits, qui sont de plus en plus difficiles à définir précisément, en termes d’agenda ». Effectivement, l'éclatement du mouvement a ouvert la voie à de nouvelles violences, perpétrées par d'autres groupes rebelles actifs à l'Est. 

C'est le cas de l'Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS) qui profite de l'affaiblissement de ce premier pour s'imposer dans la région. Ses miliciens sont des congolais qui combattent notamment le M23. Toutefois, comme le rapporte RFI, l'action de l'APCLS n'est en aucun cas pacifique : « 13 de ses combattants ont violé une femme devant sa famille, pendant que d'autres miliciens en violaient sept autres dans la même localité »

En s'affirmant au détriment du M23, les différentes milices rebelles rendent plus difficile encore la reprise de contrôle de la région par l'armée régulière congolaise. Pour contrer la violence de ces groupes armés, les FARDC auront très probablement besoin de renforts conséquents, aussi bien humains que logistiques. En plus de déloger les rebelles, il faudra mettre en place des mesures afin d'éviter - ou du moins, limiter - le trafic d'armes à l'avenir dans la région, condition indispensable pour qu'elle retrouve sa stabilité. 

La signature de l'accord international de paix pour la RDC n'est que le début du processus de pacification et de restructuration institutionnelle du pays. A mesure que la situation sécuritaire s'aggrave, le nombre de victimes directes ou indirectes augmente. D'où la nécessité d'agir rapidement et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour éviter la prolifération de groupes rebelles armés susceptibles de s'affronter entre eux, dans une région où les ressources minières demeurent très convoitées. 

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