25 juillet 2012

Ibrahim Maalouf, le prodige du jazz franco-libanais.


Le 21 juin, c'est le début de l'été. En France, nous fêtons aussi la fête de la Musique. Trois jours plus tard, il faut bien constater que la musique a remporté le match l'opposant à son adversaire estival puisque ce sont les gouttes de pluie et non les rayons de soleil qui me conduisent vers le Parc floral de Paris en ce dimanche 24 juin. Objectif de la journée : assister au concert d'Ibrahim Maalouf sans être trop mouillé. On m'a déjà beaucoup parlé de ce jazzman trompettiste, il est temps de l'entendre en live.

Arrivé sous le chapiteau, une toile tendue dix mètres au dessus du sol abritant la scène et le parterre de sièges, je m'assieds à côté des mes amis, qui m'ont gentiment attendu et gardé une place. Quelqu'un prend le micro pour nous raconter qu'un an plus tôt, Ibrahim Maalouf a joué dans un club new-yorkais presque vide. Et le speaker d'expliquer qu'à New York, haut lieu du jazz mondial, on considère que « les Français sont de très bons musiciens mais n'ont que peu de créativité ». Si l'anecdote est éclairante, c'est parce que quelques semaines avant le concert auquel j'ai eu la chance d'assister, soit douze mois après cette première représentation à NYC, Ibrahim Maalouf remplissait le même club à ras-bord. Le bouche à oreille a plutôt bien fonctionné.

Ibrahim Maalouf. Pochette de son deuxième et avant-dernier album, Diachronism (2009)
Maalouf fait enfin son entrée, précédé de ses six musiciens (deux trompettistes dont un qui joue également de la flûte traversière, un guitariste, un bassiste, un batteur et un pianiste au synthé). C'est le début d'un concert d'un peu plus d'une heure et demie, mi-one man show, mi-récital de jazz.

One man show car Ibrahim Maalou aime parler à son public. Il lui raconte des histoires qui viennent chaque fois éclairer ses morceaux. Ecouter Ibrahim Maalouf, en fait, c'est comprendre d'où est venue l'idée de la mélodie, comment a été bâtie l'orchestration, à quoi est dû le bouillonnement qui agite le son clair de sa trompette. Celle-ci, particulière, possède un quatrième piston qui lui permet de jouer des quarts de tons et ainsi atteindre la sonorité si particulière de la musique orientale. Chaque inflexion de sa mélodie pourrait ainsi nous emporter au Proche Orient mais seules quelques unes nous y transportent pour de bon. On est chaque fois saisis, chaque fois surpris mais toujours ravis.

Il ne rate pas non plus une occasion de nous faire rire. Alors que ceux qui, parmi la foule, n'ont pas la chance d'être assis se pressent autour de nous pour tenter d'échapper à la pluie, il commente en souriant : « et dire que le chapiteau est censé nous abriter du soleil ! » Il se moque aussi, gentiment, des agents de sécurité qui refusent de laisser le public se glisser dans les travées. Lorsque d'un côté, les gens réussissent à avancer un peu plus, il distribue les bons points : « vous, vous êtes gentil. » A un moment donné, il revient sur sa tenue de concert, composée d'un jogging et d'un sweat noirs. « C'est ce qui se rapproche le plus d'un pyjama, rigole-t-il, j'ai toujours mieux composé en pyjama. » Le public rit de bon cœur. Un public hétérogène d'ailleurs, composé d'amateurs plus ou moins éclairés, de tous les âges et de tous les sexes.

Live de Beirut, le 28 Juin 2012 au Festival Django Reinhardt.

Récital de jazz car même si la scène accueille bel et bien un septet [un groupe de sept musiciens jazz, ndb], on ne s'y trompe pas, c'est Ibrahim Maalouf qu'on vient écouter. Tous les morceaux valent le détour, certains sont particulièrement marquants. Beirut, que vous pouvez écouter ci-dessus, est l'un d'entre eux. Il s'agit d'un long voyage musical où Maalouf, accompagné d'un tapis d'arpèges à la guitare, se perd dans ses souvenirs de Beyrouth, qu'il a visitée la première fois étant enfant. Celle qu'on appelle parfois la « Paris de l'Orient » était alors dévastée par plus de dix ans de guerre civile. D'où la langueur de ce morceau, assommé par les images que découvrait alors le jeune Ibrahim. Écoutez le jusqu'à la dernière note : c'est une véritable fresque dont on ne peut faire l'économie d'aucun fragment.

A la fin du concert, le public tente comme un seul homme de retenir Ibrahim Maalouf à force d'applaudissements. Le trompettiste quitte deux fois la scène avant d'être irrésistiblement ramené vers nous par les standing ovations successives. Il rejoue d'abord Will soon be a woman mais le public fredonne cette fois la mélodie principale en accompagnement. Pour le second rappel - et dernier, au grand dam de la foule -, le septet s'abîme dans les dédales d'un dernier morceau turbulent dont je n'ai pu saisir le nom. Nul besoin de chercher une conclusion à cet article, la seule qui convienne étant celle-ci : courez découvrir la musique de ce musicien étonnant et ne ratez sous aucun prétexte une occasion d'assister à l'un de ses concerts !

Le début de cet article a été écrit tout de suite après le concert, d'où l'utilisation du présent de narration.

1 commentaire:

  1. Bonjour à tous,

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